Voir le Projet II.

Cette page regroupe les sujets de l’Agrégation externe de Lettres modernes. Elle est progressivement complétée et contient actuellement 169 sujets in extenso (sans compter les sujets des études grammaticales et des versions de langues vivantes en PDF, de 2011 à aujourd’hui).

Les programmes, sujets et rapports des quelques dernières années se trouvent, au format PDF, sur le site du ministère de l’Éducation nationale, de même que le descriptif des épreuves. Le site Arrête ton char propose, au format PDF, de nombreux programmes, sujets et rapports, sur plusieurs décennies. Une partie des programmes des sessions antérieures se trouve sur Wikipédia. On peut aussi en trouver de plus anciens dans les Bulletins officiels de l’Éducation nationale.

Les versions grecques et latines de 2008 à 2022 sont regroupés, en format PDF, sur le site du Département des Sciences de l’Antiquité de l’École normale supérieure de Paris, avec les rapports du jury de ces années-là. Les sujets de 1970 à 1999 ont fait l’objet, chez Honoré Champion, d’une publication au format papier qui les regroupe tous.

Quelques copies de concours se trouvent sur cette page (voir le Projet I).

Les synopsis des sujets en début de page permettent de se faire une idée des auteurs et des textes qui tombent de manière récurrente. Si vous connaissez les quelques sujets manquants, n’hésitez pas à me les indiquer.

Lorsque le jury propose un corrigé pour les versions de langues anciennes, nous le reproduisons ici. Ces textes appartiennent évidemment à leurs autrices et auteurs et à https://www.devenirenseignant.gouv.fr. Des explications plus détaillées sont disponibles dans les rapports de jury.

Pour les épreuves orales, vous trouverez aussi des sujets de leçons et d’explications de textes français hors programme sur des pages distinctes.

Cette agrégation a distingué deux jurys, l’un pour les femmes et l’autre pour les hommes, à partir de la session 1962. Le concours est redevenu mixte lors de la session 1976.

SYNOPSIS DES SUJETS

Première composition française (Littérature française)

Moyen Âge : 2/78
XVIe siècle : 8/78
XVIIe siècle : 17/78
XVIIIe siècle : 12/78
XIXe siècle : 22/78
XXe siècle : 17/78

1960 : Marivaux (XVIIIe siècle)
1961 : Chateaubriand (XIXe siècle)
1962 F : Bossuet (XVIIe siècle)
1962 H : Péguy (XXe siècle)
1963 F : Marivaux (XVIIIe siècle)
1963 H : Flaubert (XIXe siècle)
1964 F : Molière (XVIIe siècle)
1964 H : Rousseau (XVIIIe siècle)
1965 F : Diderot (XVIIIe siècle)
1965 H : Claudel (XXe siècle)
1966 F : Pascal (XVIIe siècle)
1966 H : Stendhal (XIXe siècle)
1967 F : Musset (XIXe siècle)
1967 H : Boileau (XVIIe siècle)
1968 F : ?
1968 H (session complémentaire de 1969) : Proust (XXe siècle)
1969 F : Baudelaire (XIXe siècle)
1969 H : Baudelaire (XIXe siècle)
1970 F : Molière (XVIIe siècle) (?)
1970 H : Molière (XVIIe siècle)
1971 F : Marivaux (XVIIIe siècle)
1971 H : Marivaux (XVIIIe siècle)
1972 F : Nerval (XIXe siècle)
1972 H : Nerval (XIXe siècle)
1973 F : La Fontaine (XVIIe siècle)
1973 H : La Fontaine (XVIIe siècle)
1974 F : Voltaire (XVIIIe siècle)
1974 H : Voltaire (XVIIIe siècle) (?)
1975 F : Rabelais (XVIe siècle)
1975 H : Rabelais (XVIe siècle)
1976 : Rousseau (XIXe siècle)
1977 : Molière (XVIIe siècle)
1978 : Giono (XXe siècle)
1979 : Balzac (XIXe siècle)
1980 : Vigny (XIXe siècle)
1981 : Beaumarchais (XVIIIe siècle)
1982 : Gracq (XXe siècle)
1983 : Stendhal (XIXe siècle)
1984 : Proust (XXe siècle)
1985 : Hugo (XIXe siècle)
1986 : Montaigne (XVIe siècle)
1987 : La Rochefoucauld (XVIIe siècle)
1988 : Claudel (XXe siècle)
1989 : Corneille (XVIIe siècle)
1990 : Chateaubriand (XIXe siècle)
1991 : Gide (XXe siècle)
1992 : Huysmans (XIXe siècle)
1993 : Montaigne (XVIe siècle)
1994 : Céline (XXe siècle)
1995 : Fénelon (XVIIe siècle)
1996 : Racine (XVIIe siècle)
1997 : Stendhal (XIXe siècle)
1998 : Nerval (XIXe siècle)
1999 : La Rochefoucauld (XVIIe siècle)
2000 : Staël (XIXe siècle)
2001 : Proust (XXe siècle)
2002 : Hugo (XIXe siècle)
2003 : Giraudoux (XXe siècle)
2004 : Rousseau (XVIIIe siècle)
2005 : Cyrano de Bergerac (XVIIe siècle)
2006 : Marguerite de Navarre (XVIe siècle)
2007 : Saint-John Perse (XXe siècle)
2008 : Gracq (XXe siècle)
2009 : Hugo (XIXe siècle)
2010 : Ronsard (XVIe siècle)
2011 : Robbe-Grillet (XXe siècle)
2012 : Lagarce (XXe siècle)
2013 : Rousseau (XVIIIe siècle)
2014 : Éluard (XXe siècle)
2015 : Corneille (XVIIe siècle)
2016 : Ronsard (XVIe siècle)
2017 : Giono (XXe siècle)
2018 : Rabelais (XVIe siècle)
2019 : Balzac (XIXe siècle)
2020 : Voltaire (XVIIIe siècle)
2021 : Villon (Moyen Âge)
2022 : La Mort le roi Artu (Moyen Âge)
2023 : Tristan L’Hermite (XVIIe siècle)
2024 : Baudelaire (XIXe siècle)

Version latine

POÉSIE : 8/74
PROSE : 66/74

1960 : Viau (prose épistolaire)
1961 : Du Bellay (poésie élégiaque)
1962 F : Sénèque le Jeune (prose philosophique)
1962 H : Cicéron (prose philosophique)
1963 F : Tite Live (prose historique)
1963 H : Cicéron (prose épistolaire)
1964 F : Cicéron (prose philosophique)
1964 H : Érasme (prose philosophique)
1965 F : Tite Live (prose historique)
1965 H : Cicéron (prose philosophique)
1966 F : Quintilien (prose didactique)
1966 H : Quintilien (prose didactique)
1967 F : Cicéron (prose philosophique)
1967 H : Tite Live (prose historique)
1968 F : /
1968 H : /
1969 F : Tite Live (prose historique)
1969 H : Tite Live (prose historique)
1970 F : ?
1970 H : Pline le Jeune (prose épistolaire)
1971 F : Sénèque le Jeune (prose philosophique)
1971 H : Sénèque le Jeune (prose philosophique)
1972 F : Tite Live (prose historique)
1972 H : Tite Live (prose historique)
1973 F : Pline le Jeune (prose épistolaire)
1973 H : Pline le Jeune (prose épistolaire)
1974 F : Aulu-Gelle (prose historique)
1974 H : ?
1975 F : Suétone (prose historique)
1975 H : Suétone (prose historique)
1976 : Cornélius Népos (prose historique)
1977 : César (prose historique)
1978 : Pline le Jeune (prose épistolaire)
1979 : Cicéron (prose philosophique)
1980 : Tacite (prose historique)
1981 : Tite Live (prose historique)
1982 : Vitruve (prose historique)
1983 : Tite Live (prose historique)
1984 : Sénèque le Jeune (prose philosophique)
1985 : Tite Live (prose historique)
1986 : Sénèque le Jeune (prose philosophique)
1987 : Cicéron (prose philosophique)
1988 : Sénèque le Jeune (prose philosophique)
1989 : Pline le Jeune (prose épistolaire)
1990 : Tite Live (prose historique)
1991 : Cicéron (prose épistolaire)
1992 : Virgile (poésie épique)
1993 : Sénèque le Jeune (prose philosophique)
1994 : Cicéron (prose philosophique)
1995 : Ovide (poésie élégiaque)
1996 : Quinte Curce (prose historique)
1997 : Pétrone (prose romanesque)
1998 : Cicéron (prose philosophique)
1999 : Tacite (prose historique)
2000 : Sénèque l’Ancien (prose philosophique)
2001 : Aulu-Gelle (prose historique)
2002 : Cicéron (prose épistolaire)
2003 : Sénèque le Jeune (prose philosophique)
2004 : ?
2005 : Tite Live (prose historique)
2006 : Cicéron (prose oratoire)
2007 : Virgile (poésie épique)
2008 : Salluste (prose historique)
2009 : Sénèque (prose philosophique)
2010 : Suétone (prose historique)
2011 : Cicéron (prose philosophique)
2012 : Quinte Curce (prose historique)
2013 : Properce (poésie élégiaque)
2014 : Tacite (prose historique)
2015 : Aulu-Gelle (prose historique)
2016 : Ovide (poésie épique)
2017 : Salluste (prose historique)
2018 : Justin (prose historique)
2019 : Sénèque le Jeune (prose philosophique)
2020 : Ovide (poésie épique)
2021 : Sénèque le Jeune (prose philosophique)
2022 : Cornélius Népos (prose historique)
2023 : Cicéron (prose philosophique)
2024 : Virgile (poésie épique)

Version grecque

POÉSIE : 4/15
PROSE : 10/15

2009 : Longus (prose romanesque)
2010 : Lucien (prose romanesque)
2011 : Ménandre (poésie dramatique – comédie)
2012 : Xénophon (prose historique)
2013 : Aristophane (poésie dramatique – comédie)
2014 : Arrien (prose historique)
2015 : Flavius Josèphe (prose historique)
2016 : Platon (prose philosophique)
2017 : Épictète (prose philosophique)
2018 : Platon (prose philosophique)
2019 : Sophocle (poésie dramatique – tragédie)
2020 : Lysias (prose oratoire)
2021 : Xénophon (prose historique)
2022 : Euripide (poésie dramatique – tragédie)
2023 : Isocrate (prose rhétorique)
2024 : Aristophane (poésie dramatique – comédie)

A. MIXTE

Session 1960

Version latine

LETTRE DE THÉOPHILE DE VIAU À SON FRÈRE PAUL

Cette lettre a été écrite probablement en décembre 1622 au moment où Théophile vient de se convertir au catholicisme. Son frère est resté protestant et combat dans les troupes qui luttent contre l’armée royale.

Quod a me nullas tot mensibus litteras acceperis in promptu causa est : intelligebam scilicet et fratri simul et hosti scribendum esse, atque eidem et convicia et salutem mittere me posse non putavi. Diutino itaque dissidio agitatus hæsi, donec illam animi mei litem et ratio et natura diremerunt ; neque fratrem ulterius odisse passus est naturalis amor, immo et tam strenuum hostem laudare nostri esse officii ratio persuasit. Licet tua consilia mihi prorsus improbanda sint et te nostrarum non esse partium quotidie meus amor ingemiscat, non possum tamen de magnanimitate tua tot audire citra maximam animi mei voluptatem ; tot labores etiam in perniciem nostram et feliciter coeptos et fortiter superatos tibi gratulor et, si quod est scelus fortem esse, tua etiam crimina non diligere non possum. Renuntiatum est nobis de cruento quodam proelio in quo a dux d’Elbeuf exercitui regio praeerat ; ibi te inter nostrorum cadavera et tuorum stragem obrutum hostium multitudine, pulvere et sanguine respersum, quidam mihi noti armis te spoliatum invenerunt ; et, quoniam meus fuisti frater, minus sunt sua sorte usi atque argento saltem tibi libertatem concesserunt. Est certe aliquod beneficium eos te dimisisse, sed vicisse et spoliasse longe gravior injuria est, nisique Martis propria atrocitas esset atque e nostris pauci, pejori fato collapsi, infortunio tuo vicem rependerent, vix condonarem etiam de me bene meritis militibus et inimici gratia in meos ipse hostilem animum gererem. At jam, frater, utrinque satis saevitum est, recipe te in tuum otium et, quod superest aetatis, utere gloria tua. Quod si tandem insanae religionis caecum amorem non meo exemplo, sed tuo ipsius ingenio discutere valeas, ad nos accede et in partem fortunae nostrae  veni  […]. Te, frater, cui Deus tantam indulsit perspicuitatem mentis in obscuritate plebeia delitescere foedum est. Consule te ipsum, obsequere rationi tuae et quam universi auctor atque adeo totius orbis structua animo tuo lucem effundit, admittito […]. Turpe est, quos infantia suscepit, pravos metus confirmatum jam animum et statam aetatem terrere. 

Théophile de Viau,
Ad Paulum fratrem charissimum
(318 mots)

Session 1961

Version latine

PATRIAE DESIDERIUM

Quicumque ignotis lentus terit ocia terris
          Et vagus externo quaerit in orbe domum, 
Quem non dulcis amor, quem non revocare parentes, 
          Nec potuit si quid dulcius esse potest, 
Ferreus est, dignusque olim cui matris ab alvo 
          Hyrcanae tigres ubera praebuerint. 
Non mihi saxea sunt durove rigentia ferro 
          Pectora, nec tigris, nec fuit ursa parens, 
Ut dulci patriae durus non tangar amore, 
          Totque procul menses exul ut esse velim. 
Quid namque exilium est aliud quam sidera nota, 
          Quam patriam et proprios deseruisse lares ? 
Annua ter rapidi circum acta est orbita solis, 
          Ex quo tam longas cogor inire vias, 
Ignotisque procul peregrinus degere tectis,
          Et Lyrii (1) tantum vix meminisse mei, 
Atque alios ritus, aliosque ediscere mores, 
          Fingere et insolito verba aliena sono. 
At quid Romana (dices) speciosius aula, 
          Aut quisnam toto pulchrior orbe locus ?
Roma orbis patria est, quique altae moenia Romae
          Incolit, in proprio degit et ille solo.
Forsan et est Romae (quod non contingere cuivis
         Hic solet externo) vivere dulci mihi : […]
At quoties studia antiqua, antiquosque sodales, 
          Et memini charam deseruisse domum, 
Quondam ubi sollicitas Persarum temnere gazas, 
          Et felix parvo vivere doctus eram :
Ipsa mihi patriae toties occurrit imago, 
          Et toties curis torqueor usque novis. 
Utque nihil desit, nobis tamen omnia desunt, 
          Dum miseris noto non licet orbe frui. 
Nec Ligeris ripas, saltus, sylvasque comantes 
          Cernere, et Andini (2) pinguia culta soli, 
Quae lacte et Baccho, flaventis et ubere campi 
          Antiquae certant laudibus Italiae.

Joachim du Bellay, 
PoemataÉlégies, VII, v. 1-24 et 29-40
(36 vers – 234 mots)

(1) Le « petit Liré ».
(2) Angevin.

B. FEMMES

Session 1962

Version latine

AVANT LES CIVILISATIONS

Terra ipsa fertilior erat illaborata et in usus populorum non diripientium larga. Quicquid natura protulerat, id non minus invenisse quam inventum monstrare alteri uoluptas erat. Nec ulli aut superare poterat aut deesse : inter concordes dividebatur. Nondum valentior imposuerat infirmiori manum ; nondum avarus, abscondendo quod sibi jaceret, alium necessariis quoque excluserat : par erat alterius ac sui cura. Arma cessabant incruentaeque humano sanguine manus odium omne in feras verterant. Illi, quos aliquod nemus densum a sole protexerat, qui adversus saevitiam hiemis aut imbris vili receptaculo tuti sub fronde vivebant, placidas transigebant sine suspirio noctes. Sollicitudo nos in nostra purpura versat et accerrimis excitat stimulis. At quam mollem somnum illis dura tellus dabat ! Non impendebant caelata laquearia, sed in aperto jacentes sidera superlabebantur et insigne spectaculum noctium. Mundus in praeceps agebatur, silentio tantum opus ducens. Tam interdiu illis quam noctu patebant prospectus hujus pulcherrimae domus. Libebat intueri signa, ex media caeli parte vergentia, rursus ex occulto alia surgentia. Quidni iuvaret vagare inter tam late sparsa miracula ? At vos ad omnem tectorum pavetis sonum et, inter picturas vestras siquid increpuit, fugitis attoniti. Non habebant domos instar urbium. Spiritus ac liber inter aperta perflatus et levis umbra rupis aut arboris et perlucidi fontes rivique non opere nec fistula nec ullo coacto itinere obsolefacti, sed sponte currentes et prata sine arte formosa, inter haec agreste domicilium, rustica positum manu. Haec erat secundum naturam domus, in qua libebat habitare.

Sénèque le Jeune,
Lettres à Lucilius, XIV, 91, 40-43
(232 mots)

Session 1963

Version latine

AU SÉNAT DE CARTHAGE, APRÈS LA NOUVELLE DE LA VICTOIRE DE CANNES

Secundum haec dicta Magonis (1) laetis omnibus, Himilco, vir factionis Barcinae, locum Hannonis increpandi esse ratus, « Quid est, Hanno ?  inquit ;  etiam nunc paenitet belli suscepti adversus Romanos ? Jube dedi Hannibalem ; veta in tam prosperis rebus grates Deis immortalibus agi ; audiamus Romanum senatorem in Carthaginiensium curia. » Tum Hanno : « Tacuissem hodie, Patres conscripti, ne quid in communi omnium gaudio, minus laetum quod esset vobis, loquerer ; nunc interroganti senatori, paeniteatne adhuc suscepti adversus Romanos belli, si reticeam, aut superbus aut obnoxius videar, quorum alterum est hominis alienae libertatis obliti, alterum suae. Respondeo, inquit, Himilconi non desisse paenitere me belli neque desiturum ante invictum vestrum imperatorem incusare quam finitum aliqua tolerabili condicione bellum videro ; nec mihi pacis antiquae desiderium ulla alia res quam pax nova finiet. Itaque ista, quae modo Mago jactavit, Himilconi ceterisque Hannibalis satellitibus jam laeta sint : mihi possunt laeta esse, quia res bello bene gestae, si volumus fortuna uti, pacem nobis aequiorem dabunt. Nam, si praetermittimus hoc tempus, quo magis dare quam accipere possumus videri pacem, vereor ne haec quoque laetitia luxuriet nobis ac vana evadat. Quae tamen nunc quoque qualis est ? « Occidi exercitus hostium – mittite milites mihi. » Quid aliud rogares, si esses victus ? « Hostium cepi bina castra, » praedae videlicet plena et commeatuum, « – frumentum et pecuniam date. » Quid aliud, si spoliatus, si exutus castris esses, peteres ? »

Tite Live, 
Histoire romaine, XXIII, 12, 6-14
(214 mots)

(1) Magon a été envoyé par Hannibal pour annoncer la victoire et demander des renforts et des subsides. Hannon est l’adversaire perpétuel de la famille Barca et de la politique d’Hannibal.

Session 1964

Première composition française

Voltaire loue le talent de Molière dans l’École des Maris : « C’est une pièce de caractère et d’intrigue. Quand il n’aurait fait que ce seul ouvrage, il eût pu passer pour un excellent auteur comique. » Pour l’École des Femmes, il fait état de jugements plus sévères et signale qu’elle « passe pour être inférieure en tout à l’École des Maris, et surtout dans le dénouement, qui est aussi postiche dans l’École des Femmes qu’il est bien amené dans l’École des Maris ». 

Quelle est votre opinion sur ces appréciations ?

[Le sujet est tiré de Voltaire (1697-1778), Vie de Molière, 1772.]

Seconde composition française

Pour un critique contemporain, la nouvelle semble « n’être faite de rien, — sinon d’un instant, d’un geste, d’une lueur qu’elle isole, dégage et révèle, qu’elle emplit de sens et de pathétique ». 

Dans quelle mesure les nouvelles des auteurs du programme vous paraissent-elles répondre à cette définition ?

[Le sujet est tiré de Marcel Arland (1899-1986), dans la préface de Visite, un recueil de nouvelles de Jean Fougère, Paris, Éditions du Pavois, 1943.]

Version latine

LE PHILOSOPHE DEVANT LA MORT

Commemorat Socrates, ut cygni, qui non sine causa Apollini dicati sint, sed quod ab eo divinationem habere videantur, qua providentes quid in morte boni sit, cum cantu et voluptate moriantur, sic omnibus bonis et doctis esse faciendum. Nec vero de hoc quisquam dubitare posset, nisi idem nobis accideret diligenter de animo cogitantibus, quod iis saepe usu venit qui cum acriter oculis deficientem solem intuerentur, aspectum omnino amitterent : sic mentis acies se ipsa intuens non numquam hebescit, ob eamque causam contemplandi diligentiam amittimus. Itaque dubitans, circumspectans, haesitans, multa adversa reverens tamquam in rate in mari inmenso nostra vehitur oratio. […] Tota philosophorum vita commentatio mortis est.  Nam quid aliud agimus, cum a voluptate, id est a corpore, cum a re familiari, quae est ministra et famula corporis, cum a re publica, cum a negotio omni sevocamus animum, quid, inquam, tum agimus nisi animum ad se ipsum advocamus, secum esse cogimus maximeque a corpore abducimus ? Secernere autem a corpore animum, nec quicquam aliud, est mori discere. Quare hoc commentemur, mihi crede, disjungamusque nos a corporibus, id est consuescamus mori. Hoc, et dum erimus in terris, erit illi caelesti vitae simile, et cum illuc ex his vinclis emissi feremur, minus tardabitur cursus animorum. Nam qui in compedibus corporis semper fuerunt, etiam cum soluti sunt, tardius ingrediuntur, ut ii qui ferro vincti multos annos fuerunt. Quo cum venerimus, tum denique vivemus. Nam haec quidem vita mors est, quam lamentari possem, si liberet.

Cicéron, 
Tusculanes, I, 73-75
(237 mots)

Session 1965

Première composition française

Étudiez, en vous limitant aux textes de Diderot inscrits au programme, cette observation du critique Herbert Dieckmann : « En faisant de ses idées des êtres qui agissent dans un récit, Diderot se libère des conflits où tombait sa pensée. Il a trouvé dans la forme littéraire un nouveau mode d’expression conforme à l’attitude de son esprit face à ses idées. »

[Le sujet est tiré de Herbert Dieckmann (1906-1986), Cinq leçons sur Diderot, Paris, Minard, 1959.]

Seconde composition française

« On peut dire de Gil Blas, écrit Sainte-Beuve dans ses Causeries du lundi, qu’il se laisse faire par les choses ; il ne devance pas l’expérience, il la reçoit. »

Dans quelle mesure cette réflexion vous paraît-elle s’appliquer aux personnages picaresques, tels qu’ils se présentent dans les trois romans inscrits au programme ?

[Le sujet est tiré de Charles Augustin de Sainte-Beuve (1804-1869), Causeries du lundi, 1851, II, « Le sage ».]

Version latine

DE LA PETITE À LA GRANDE HISTOIRE
UN ÉPISODE DES LUTTES DE LA PLÈBE POUR LE POUVOIR

M. Fabi Ambusti, potentis viri […], filiae duae nuptae Ser. Sulpicio maior, minor C. Licinio Stoloni erat, illustri quidem viro, tamen plebeio ; eaque ipsa affinitas haud spreta gratiam Fabio ad vulgum quaesierat. Forte ita incidit, ut in Ser. Sulpici, tribuni militum, domo sorores Fabiae cum inter se, ut fit, sermonibus tempus tererent, lictor Sulpici, cum is de foro se domum reciperet, forem, ut mos est, virga percuteret. Cum ad id, moris ejus insueta expavisset minor Fabia, risui sorori fuit, miranti ignorare id sororem. Ceterum is risus stimulos parvis mobili rebus animo muliebri subdidit. Frequentia quoque prosequentium rogantiumque num quid vellet, credo fortunatum matrimonium ei sororis visum, suique ipsam, malo arbitrio, quo a proximis quisque minime anteiri vult, paenituisse. Confusam eam ex recenti morsu animi cum pater forte vidisset, percontatus « Satin salve ? » avertentem causam doloris (quippe nec satis piam adversus sororem, nec admodum in virum honorificam) elicuit, comiter sciscitando, ut fateretur eam esse causam doloris, quod juncta impari esset, nupta in domo, quam nec honos nec gratia intrare posset. Consolans inde filiam Ambustus bonum animum habere jussit : eosdem propediem domi visuram honores, quos apud sororem videat. Inde consilia inire cum genero coepit.

Tite Live,
Histoire romaine, VI, 34, 5-11
(190 mots)

Session 1966

Première composition française

Dans quelle mesure vous semble-t-il possible d’appliquer aux Provinciales cette réflexion de Pascal lui-même :

« Rien ne nous plaît que le combat, mais non la victoire […]. Ainsi dans le jeu, ainsi dans la recherche de la vérité. On aime à voir dans les disputes le combat des opinions ; mais de contempler la vérité trouvée, point du tout ; pour la faire remarquer avec plaisir, il faut la faire voir naître de la dispute… »  

[Le sujet est tiré de Blaise Pascal (1623-1662), Pensées, 1669, XXIX.]

Seconde composition française

En vous limitant aux œuvres inscrites au programme, vous étudierez ce jugement de Brunetière relatif au drame bourgeois :

« Presque tout ce que la sensibilité a gagné au XVIIIe siècle, c’est l’art qui l’a perdu. »

[Le sujet est tiré de Ferdinand Brunetière (1849-1906), Les époques du théâtre français, 1892.]

Version latine

L’ORATEUR DIGNE DE CE NOM N’EST PAS NÉCESSAIREMENT UN AVOCAT HABILE

Illud est diligentius docendum, eum demum dicere apte, qui non solum quid expediat sed etiam quid deceat inspexerit. Nec me fugit plerumque haec esse conjuncta. Nam quod decet fere prodest, neque alio magis animi judicum conciliari, aut, si res in contrarium tulit, alienari solent. Aliquando tamen et haec dissentiunt. Quotiens autem pugnabunt, ipsam utilitatem vincet quod decet. Nam quis nescit nihil magis profuturum ad absolutionem Socrati fuisse, quam si esset usus illo judiciali genere defensionis, et oratione summissa conciliasset judicum animos sibi crimenque ipsum sollicite redarguisset ? Verum id eum minime decebat ; ideoque sic egit ut qui poenam suam honoribus summis esset aestimaturus. Maluit enim vir sapientissimus quod superesset ex vita, sibi perire, quam quod praeterisset. Et quando ab hominibus sui temporis parum intelligebatur, posteriorum se judiciis reservavit, brevi detrimento jam ultimae senectutis aevum saeculorum omnium consecutus. Itaque quamvis Lysias, qui tum in dicendo praestantissimus habebatur, defensionem illi scriptam obtulisset, uti ea noluit, cum bonam quidem, sed parum sibi convenientem judicavisset. Quo vel solo patet non persuadendi sed bene dicendi finem in oratione servandum, cum interim persuadere deforme sit. Non fuit hoc utile absolutioni, sed, quod est majus, homini fuit.

Quintilien, 
Institution oratoire, XI, 1, 8-11
(189 mots)

Session 1967

Première composition française

« À retrouver les liens intérieurs qui unissent entre elles les pièces de Musset, on est frappé de la continuité avec laquelle Musset cherche à scruter et à approfondir le mystère de la personne. […] Toute une dialectique de l’existence personnelle est ébauchée dans ce théâtre singulier, qui passait naguère pour celui de la fantaisie et du sourire. »

En limitant votre étude aux pièces inscrites au programme, vous apprécierez ce jugement d’un critique contemporain.

[Le sujet est tiré de Bernard Masson (1925-2013), « Lorenzaccio ou la difficulté d’être », Archives des Lettres Modernes, 46, 1962]

Seconde composition française

Ortega y Gasset écrit dans Le Spectateur tenté : « Avant tout, Don Juan n’est pas un sensuel égoïste. Symptôme infaillible : il a le cœur sur la main et est toujours prêt à le donner […]. Cet effort où l’être se tend, prêt à lancer son existence par delà la mort, cet effort est ce qui fait de l’homme un héros. »

Mais Stendhal, dans De l’Amour (chapitre LIX) : « Don Juan abjure tous les devoirs qui le lient au reste des hommes. Dans le grand marché de la vie, c’est un marchand de mauvaise foi qui prend toujours et ne paye jamais. »

Vous confronterez ces deux interprétations du personnage de Don Juan.

[Le sujet est tiré de José Ortega y Gasset (1883-1955), Le Spectateur, 1992 (Paris, Rivages Poche Petite Bibliothèque) et de Stendhal (1783-1842), De l’Amour, 1822, chapitre LIX]

Version latine

UNE INTERPRÉTATION DE LA LÉGENDE DES SIRÈNES

Tantus est innatus in nobis cognitionis amor et scientiae, ut nemo dubitare possit, quin ad eas res hominum natura nullo emolumento invitata rapiatur. Videmusne, ut pueri ne verberibus quidem a contemplandis rebus perquirendisque deterreantur ? ut pulsi recurrant ? ut aliquid scire se gaudeant ? ut id aliis narrare gestiant ? ut pompa, ludis atque ejus modi spectaculis teneantur ob eamque rem vel famem et sitim perferant ? Quid vero ? qui ingenuis studiis atque artibus delectantur, nonne videmus eos nec valetudinis nec rei familiaris habere rationem omniaque perpeti ipsa cognitione et scientia captos et cum maximis curis et laboribus compensare eam quam ex discendo capiant voluptatem ? Mihi quidem Homerus hujus modi quiddam vidisse videtur in iis quae de Sirenum cantibus finxerit. Neque enim vocum suavitate videntur aut novitate quadam et varietate cantandi revocare eos solitae qui praetervehebantur, sed quia multa se scire profitebantur, ut homines ad earum saxa discendi cupiditate adhaerescerent. Ita enim invitant Ulixem (nam verti, ut quaedam Homeri, sic istum ipsum locum) :

          O decus Argolicum, quin puppim flectis, Ulixes,
          Auribus ut nostros possis agnoscere cantus.
          Nam nemo haec umquam est transvectus caerula cursu,
          Quin prius adstiterit vocum dulcedine captus,
          Post variis avido satiatus pectore musis
          Doctior ad patrias lapsus pervenerit oras…

Vidit Homerus probari famulam non posse, si cantiunculis tantus vir irretitus teneretur ; scientiam pollicentur, quam non erat mirum sapientiae cupido patria cariorem essse.

Cicéron,
Des termes extrêmes des biens et des maux, V, 18, 48-49
(220 mots)

Session 1970

Première composition française

Dans le Misanthrope, Molière joue le rôle d’Alceste ; dans Amphitryon, le rôle de Sosie. Quelles réflexions vous suggèrent ces choix ?

Seconde composition française

Marguerite Yourcenar note que, dans les Électre modernes, « le poète rejette la solution antique, qui était la justice […]. Les termes psychologiques, les formules littéraires ne font qu’étiqueter ou que décrire différemment ce même fait brut, qui est la haine ».

Électre ou la chute des masques (préface)

« Justice », « haine » : cette opposition vous paraît-elle éclairer dans leurs aspects essentiels les pièces, antiques et modernes, inscrites au programme ?

Session 1971

Première composition française

Vérité et poésie dans les pièces de Marivaux inscrites au programme.

Seconde composition française

Justifiant sa tentative de renouvellement du théâtre, Strindberg écrivait :

« À notre époque, où la pensée rudimentaire, incomplète, qui est le fait de l’imagination, semble vouloir évoluer vers la réflexion, l’enquête, la mise à l’épreuve, j’ai supposé que le théâtre était sur le point d’être abandonné, telle une forme d’expression prête à s’éteindre et qu’il ne nous serait plus possible d’apprécier, faute des conditions nécessaires. […]

On a cru pouvoir créer un théâtre nouveau en donnant aux formes anciennes le contenu de l’époque nouvelle ; mais […] le vin nouveau a fait éclater les vieilles bouteilles. »

Préface de Mademoiselle Julie, 1889.

Vous étudierez cette réflexion en vous référant aux œuvres d’Ibsen, Becque, Shaw et Tchekhov, inscrites au programme.

Session 1972

Première composition française

Un critique contemporain écrit : « Diriger mon rêve éternel au lieu de le subir : peut-être est-ce cette […] phrase souvent citée qui définit le mieux aux yeux Gérard la responsabilité de la littérature. Reprendre l’initiative là où le temps, la nuit, la mort, la folie, tous les visages de l’informe et de l’informulé, nous menacent. C’est avant tout un défi de poète. »

Vous étudierez ce « défi » dans les œuvres de Nerval inscrites au programme.

Seconde composition française

Paul Valéry écrit : « On vient aux grands centres pour avancer, pour triompher, pour s’élever ; pour jouir, pour s’y consumer ; pour s’y fondre et s’y métamorphoser ; et en somme pour jouer, pour se trouver à la portée du plus grand nombre possible de chances et de proies, femmes, places, clartés, facilités diverses […]. Chaque grande ville est une immense maison de jeu. »

De son côté, Aragon pense que les grandes villes du XXe siècle sont le terrain d’élection d’une mythologie nouvelle. Il déclare notamment : « Nos cités sont […] peuplées de sphynx méconnus qui n’arrêtent pas le passant rêveur, s’il ne tourne vers eux sa distraction méditative, qui ne lui posent pas de questions mortelles. Mais s’il sait les deviner, ce sage, alors, que lui les interroge […]. La lumière moderne de l’insolite, voilà ce qui va désormais le retenir. »

Dans quelle mesure ces deux textes vous paraissent-ils éclairer les romans inscrits au programme au titre de la seconde question ?

Session 1973

Première composition française

« Ce n’est ni le vrai ni le vraisemblable qui font la beauté et la grâce de ces choses-ci : c’est seulement la manière de les conter. »

Peut-on appliquer aux Fables des livres VII à XII cette déclaration que La Fontaine a formulée à propos d’une autre de ses œuvres ?

Seconde composition française

L’illusion dans les pièces de Shakespeare, Calderon et Corneille inscrites au programme.

Session 1974

Première composition française

« Pour nous qui n’avons entrepris ce petit « Dictionnaire » que pour faire des questions, nous sommes bien loin d’avoir de la certitude » (addition de 1770 à l’article « Certain, Certitude »).

Cette réflexion de Voltaire s’accorde-t-elle avec l’impression que vous a laissée la lecture du « Dictionnaire philosophique » ?

Seconde composition française

Après avoir évoqué l’histoire de Werther comme celle des « souffrances d’une âme malade », Xavier Marmier écrit en 1835 dans ses Études sur Goethe (p. 13-14) :

« Le grand tort d’Ugo Foscolo dans ses dernières lettres de Jacopo Ortis est d’avoir voulu joindre aux péripéties de ce drame intérieur le poids des événements extérieurs en faisant de son héro un banni, un homme malheureux de  son exil, malheureux de l’asservissement de sa patrie, malheureux en outre d’un amour déçu ; il en a sans doute fait un très bon patriote et un homme d’un caractère noble, d’une nature poétique très intéressante : mais il a détruit par là même l’idée philosophique que pouvait avoir son livre ; il a ôté à son héros l’empreinte distinctive de cette âme inquiète, prédestinée, maladive… qui se ronge elle-même comme le Werther de Goethe, qui pleure au milieu des prospérités de la terre comme René de Chateaubriand. »

Vous commenterez cette comparaison des trois romans.

Session 1975

Première composition française

« Panurge ne s’intéresse au fond ni à la question de savoir s’il doit se marier ni à celle de son bonheur personnel, seulement au jeu des thèses opposées. […] Rabelais nous montre un dédain souverain pour cette intrigue, que je dirais « gratuite », puisqu’elle tourne autour de Panurge, le héros de l’action gratuite. »

Votre réflexion sur Le Tiers livre et Le Quart livre s’accorde-t-elle avec cette affirmation de Léo Spitzer ?

Seconde composition française

Un critique contemporain écrit : « Le théâtre de la cruauté n’est pas une représentation. C’est la vie elle-même en ce qu’elle a d’irreprésentable ».

Dans quelle mesure ce propos éclaire-t-il les textes inscrits au programme ?

C. HOMMES

Session 1962

Version latine

ORIGINE DE L’HARUSPICINE, ABSURDITÉ DE CELLE-CI

Ortum videamus haruspicinae ; sic facillime, quid habeat auctoritatis, judicabimus. Tages quidam dicitur in agro Tarquiniensi (1), cum terra araretur et sulcus altius esset impressus, extitisse repente et eum affatus esse qui arabat. Is autem Tages, ut in libris est Etruscorum, puerili specie dicitur visus, sed senili fuisse prudentia. Ejus adspectu cum obstupuisset bubulcus clamoremque majorem cum admiratione edidisset, concursum esse factum, totamque brevi tempore in eum locum Etruriam convenisse ; tum illum plura locutum multis audientibus, qui omnia verba ejus exceperint litterisque mandarint ; omnem autem orationem fuisse eam qua haruspicinae disciplina contineretur ; eam postea crevisse rebus novis cognoscendis et ad eadem illa principia referendis. Haec accepimus ab ipsis, haec scripta conservant, hunc fontem habent disciplinae. Num ergo opus est ad haec refellenda Carneade (2) ? Num Epicuro ? estne quispiam ita desipiens, qui credat exaratum esse… deum dicam an hominem ? Si deum, cur se contra naturam in terram abdiderat, ut patefactus aratro lucem aspiceret ? quid ? idem nonne poterat deus hominibus disciplinam superiore e loco tradere ? Si autem homo ille Tages fuit, quonam modo potuit terra oppressus vivere ? unde porro illa potuit quae docebat alios, didicisse ? Sed ego insipientior quam illi ipsi qui ista credunt, qui quidem contra eos tam diu disputem. Vetus autem illud Catonis admodum scitum est, qui mirari se aiebat quod non tideret haruspex, haruspicem cum vidisset. Quota enim quaeque res evenit praedicta ab istis ? aut, si evenit quippiam, quid afferri potest, cur non casu id evenerit ? […] Quid ego haruspicum responsa commemorem (possum equidem innumerabilia) quae aut nullos habuerint exitus aut contrarios ?

Cicéron, 
De la divination, II, 50-52
(249 mots)

(1) de Tarquinies, une grande ville d’Étrurie
(2) Carnéade, philosophe de l’école néo-académique et Épicure opposaient des arguments sceptiques à ceux qui croyaient à la divination.

Session 1963

Version latine

UNE REQUÊTE SANS VERGOGNE

Dans une lettre à l’historien Lucceius, Cicéron le prie d’écrire l’histoire de son consulat.

Coram me tecum eadem haec agere saepe conantem deterruit pudor quidam paene subrusticus, quae nunc expromam absens audacius : epistula enim non erubescit. Ardeo cupiditate incredibili, neque, ut ego arbitror, reprehendenda, nomen ut nostrum scriptis illustretur et celebretur tuis. Quod etsi mihi saepe ostendisti te esse facturum, tamen ignoscas velim huic festinationi meae. Genus enim scriptorum tuorum, etsi erat a me vehementer exspectatum, tamen vicit opinionem meam meque ita vel cepit vel incendit, ut cuperem quam celerrime res nostras monimentis commendari tuis. Neque enim me solum commemoratio posteritatis ad spem quamdam immortalitatis rapit, sed etiam illa cupiditas ut vel auctoritate testimonii tui, vel indicio benevolentiae, vel suavitate ingenii, vivi perfruamur. […] 

Neque tamen ignoro quam impudenter faciam, qui primum tibi tantum oneris imponam (potest enim mihi denegare occupatio tua), deinde etiam ut ornes me postulem. Quid, si illa tibi non tanto opere videntur ornanda ? 

Sed tamen, qui semel verecundiae fines transierit, eum bene et naviter oportet esse impudentem. Itaque te plane etiam atque etiam rogo, ut et ornes ea vehementius etiam quam fortasse sentis, et in eo leges historiae neglegas gratiamque illam, de qua suavissime quodam in prooemio scripsisti, a qua te flecti non magis potuisse demonstras quam Herculem Xenophontium (1) illum a Voluptate, eam, si me tibi vehementius commendabit, ne aspernere amorique nostro plusculum etiam quam concedet veritas largiare. 

Quod si te adducemus, ut hoc suscipias, erit, ut mihi persuadeo, materies digna facultate et copia tua… […] Multam etiam casus nostri varietatem tibi in scribendo suppeditabunt plenam cujusdam voluptatis, quae vehementer animos hominum in legendo te scriptore tenere possit. Nihi est enim aptius ad delectationem lectoris quam temporum varietates fortunaeque vicissitudines. 

Cicéron, 
Lettres aux familiers, V, 12, 1-4
(268 mots)

(1) Allusion à l’apologue d’Hercule, entre la vertu et la volupté, rapporté par Xénophon.

Session 1964

Première composition française

Rousseau écrit dans une lettre du 4 novembre 1764 : « On ne peut être heureux sur la terre qu’à proportion qu’on s’éloigne des choses et qu’on se rapproche de soi. » 

Cette définition vous paraît-elle confirmée par les analyses que Rousseau fait de son propre bonheur dans les Rêveries du Promeneur solitaire 

[Le sujet est tiré de Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), Lettre à Henriette, 4 novembre 1764.]

Seconde composition française

Discuter à propos des œuvres mises au programme cette opinion de Theodor Storm :

« La nouvelle est devenue aujourd’hui la sœur du drame et la forme la plus rigoureuse à l’intérieur de l’art de la prose. Tout comme le drame, elle traite les problèmes les plus profonds parmi ceux qui concernent la vie humaine ; comme lui, elle réclame, pour parvenir à l’achèvement, un conflit central autour duquel tout s’organise, par conséquent la mise en œuvre la plus stricte et l’élimination de tout détail secondaire ; non contente d’accepter les suprêmes efforts de l’art, elle les requiert. » 

[Le sujet est tiré de Theodor Storm (1817-1888), Sämtliche Werke, éd. Köster, t. VIII, 1917, p. 122.]

Version latine

L’ENTHOUSIASME D’UN HUMANISTE POUR CICÉRON

Profanum dici non debet quidquid pium est et ad bonos mores conducens. Sacris quidem litteris ubique prima debetur auctoritas, sed tamen ego nonnunquam offendo quaedam vel dicta a veteribus, vel scripta ab ethnicis, etiam poetis, tam caste, tam sancte, tam divinitus, ut mihi non possim persuadere quin pectus illorum, cum illa scriberent, numen aliquod bonum non agitaverit. […] Fateor affectum meum apud amicos : non possum legere librum Ciceronis de Senectute, de Amicitia, de Officiis, de Tusculanis Quaestionibus quin aliquoties exosculer codicem ac venerer sanctum illud pectus afflatum caelesti numine… […] Cum plerique libri M. Tullii, […] divinitatis quiddam spirare videntur, tum ille quem senex scripsit de Senectute, plane mihi videtur « cycneum asma », quemadmodum Graecis est in proverbio. Eum hodie relegi atque haec verba, quoniam prae ceteris arridebant, edidici :

« Si quis deus mihi largiatur ut ex hac aetate repuerascam et in cunis vagiam, valde recusem nec vero velim quasi decurso spatio ad carceres a calce revocari. Quid habet vita commodi ? quid non potius laboris ? Sed non habeat sane, habet certe tamen aut satietatem aut modum. Non libet mihi deplorare vitam, quod multi, et ii docti, saepe fecerunt, neque me vixisse paenitet quoniam ita vixi, ut frustra me natum non existimem et ex vita discedo tanquam ex hospitio, non tanquam e domo ; commorandi enim natura deversorium nobis, non habitandi dedit. O praeclarum diem cum in illud divinum animorum concilium coetumque proficiscar cumque ex hac turba et colluvione discedam ! »

Quid ab homine Christiano dici potuit sanctius ?

Érasme,
Convivium religiosum
(240 mots)

Session 1965

Première composition française

On lit dans une des Cinq Grandes Odes, La Muse qui est la Grâce (1907) : « Je chanterai le grand poème de l’homme soustrait au hasard ! […]
Le grand poème de l’homme enfin par-delà les causes secondes réconcilié aux forces éternelles,
La grande Voie triomphale au travers de la Terre réconciliée pour que l’homme soustrait au hasard s’y avance ! »

De quelle manière Claudel a-t-il réalisé ce poème dans le Soulier de Satin ?

[Le sujet est tiré de Paul Claudel (1868-1955), Cinq Grandes Odes, « La Muse qui est la Grâce », Paris, Gallimard, 1913.]

Seconde composition française

Dans ses Considérations sur l’histoire de France (1840) Augustin Thierry, protestant contre le succès contemporain de la philosophie de l’histoire, écrit :

« Dans une science qui a pour objet les faits réels et les témoignages positifs, on a vu s’introduire et dominer des méthodes empruntées à la métaphysique […]. L’histoire a été ainsi jetée hors des voies qui lui sont propres ; elle a passé du domaine de l’analyse et de l’observation exacte dans celui des hardiesses synthétiques… »

Vous expliquerez et discuterez ce jugement en fonction de l’ensemble des textes du programme. 

[Le sujet est tiré d’Augustin Thierry (1795-1856), Considérations sur l’histoire de France, 1840, chapitre V.]

Version latine

ROMULUS A EU RAISON DE NE PAS FONDER ROME AU BORD DE LA MER

Hoc vir excellenti providentia sensit ac vidit non esse opportunissimos situs maritimos urbibus eis quae ad spem diuturnitatis conderentur atque imperii, primum quod essent urbes maritimae non solum multis periculis oppositae, sed etiam caecis. Nam terra continens adventus hostium non modo expectatos sed etiam repentinos multis indiciis et quasi fragore quodam et sonitu ipso ante denuntiat ; neque vero quisquam potest hostis advolare terra quin eum non modo esse, sed etiam quis et unde sit scire possimus. Maritimus vero ille et navalis hostis ante adesse potest quam quisquam venturum esse suspicari queat, nec vero, cum venit, prae se fert aut qui sit aut unde veniat aut etiam quid velit ; denique ne nota quidem ulla, pacatus an hostis sit, discerni ac judicari potest. Est autem maritimis urbibus etiam corruptela quaedam ac demutatio morum ; admiscentur enim novis sermonibus ac disciplinis, et inportantur non merces solum adventiciae, sed etiam mores, ut nihil possit in patriis institutis manere integrum. Jam qui incolunt eas urbes non haerent in suis sedibus, sed volucri semper spe et cogitatione rapiuntur a domo longius ; atque etiam cum manent corpore, animo tamen exsulant et vagantur […]. Multa etiam ad luxuriam invitamenta perniciosa civitatibus suppeditantur mari, quae vel capiuntur vel importantur ; atque habet etiam amoenitas ipsa vel sumptuosas vel desidiosas illecebras multas cupiditatum.

Cicéron, 
De la république, II, 5-8
(210 mots)

Session 1966

Première composition française

Dans ses Propos de Littérature, Alain juge ainsi Stendhal romancier : « C’est bien un genre de cynique, et qui porte, comme Diogène, sa lanterne à découvrir l’homme ; mais c’est un cynique qui aime l’homme. »

Vous commenterez cette formule à l’aide des romans inscrits au programme.

[Le sujet est tiré d’Alain (1868-1951), Propos de Littérature, Paris, Paul Hartmann, 1934.]

Seconde composition française

Discuter cette opinion de Madame de Staël :

« On croit trouver plus d’intérêt dans le drame, parce qu’il nous représente ce que nous voyons tous les jours ; mais une imitation trop rapprochée du vrai n’est pas ce que l’on cherche dans les arts. Le drame est à la tragédie ce que les figures de cire sont aux statues : il y a trop de vérité et pas assez d’idéal ; c’est trop, si c’est de l’art, et jamais assez pour que ce soit la nature. »

[Le sujet est tiré de Germaine de Staël (1766-1817), De l’Allemagne, 1813, seconde partie, chapitre XVI.]

Version latine

TOUS LES ENFANTS SONT CAPABLES DE FAIRE DES ÉTUDES

Nato filio, pater spem de illo primum quam optimam capiat. Ita diligentior a principiis fiet. Falsa enim est querela, paucissimis hominibus vim percipiendi quae tradantur esse concessam, plerosque vero laborem ac tempora tarditate ingenii perdere. Nam contra plures reperias et faciles in excogitando et ad discendum promptos. Quippe id est homini naturale ; ac, sicut aves ad volatum, equi ad cursum, ad saevitiam ferae gignuntur, ita nobis propria est mentis agitatio atque sollertia, unde origo animi caelestis creditur. Hebetes vero et indociles non magis secundum naturam hominis eduntur quam prodigiosa corpora et monstris insignia, sed hi pauci admodum. Fuerit argumentum, quod in pueris elucet spes plurimorum ; quae cum emoritur aetate, manifestum est non naturam defecisse, sed curam. Praestat tamen ingenio alius alium. Concedo, sed plus efficiet aut minus ; nemo reperitur, qui sit studio nihil consecutus. Hoc qui perviderit, protinus ut erit parens factus, acrem quam maxime curam spei futuri oratoris inpendat. […]

In parentibus vero quam plurimum esse eruditionis optaverim. Nec de patribus tantum loquor ; nam Gracchorum eloquentiae multum contulisse accepimus Corneliam matrem, cujus doctissimus sermo in posteros quoque est epistulis traditus […]. Nec tamen ii, quibus discere ipsis non contigit, minorem curam docendi liberos habeant, sed sint propter hoc ipsum ad cetera magis diligentes.

Quintilien,
Institution oratoire, I, 1, 1-3 et 6-7
(202 mots)

Session 1967

Première composition française

Au long de sa vie d’écrivain, Flaubert lit et relit Boileau. « Tout cède et tout pète à la fin, devant les obstinations suivies. J’en reviens toujours à mon vieil exemple de Boileau : ce gredin-là vivra autant que Molière, que la langue française, et c’était pourtant un des moins poètes des poètes. Qu’a-t-il fait ? Il a suivi sa ligne jusqu’au bout et donné à son sentiment si restreint du Beau toute la perfection plastique qu’il comportait. »

Expliquez et discutez en vous fondant sur les textes de Boileau inscrits au programme.

[Le sujet est tiré de Gustave Flaubert (1821-1880), Lettre à Louise Colet, février 1853.]

Seconde composition française

« Écartant de mon chemin la politique et l’histoire, tout ce qui est anecdotique, tous les événements fortuits dont l’homme charge sa mémoire, j’ai tâché de le retrouver tel qu’il a été une fois, tel qu’il est, tel qu’il sera, dans sa permanence même : soumis seulement à un ciel, à un sol, à une certaine nature extérieure et intérieure à lui. »

Appréciez, en fonction des textes inscrits au programme, ces remarques par lesquelles un écrivain contemporain, réfléchissant sur son œuvre, résume les intentions de la littérature « rustique ».

[Le sujet est tiré de Charles Ferdinand Ramuz (1878-1947), Besoin de grandeur, Paris, 1938, p. 19-20.]

Version latine

MANLIUS CAPITOLINUS, DÉFENSEUR DE LA PLÈBE, APPELLE À L’UNION CONTRE LES PATRICIENS

His (1) simul inflatus exacerbatusque, jam per se accensos incitabat plebis animos : « Quousque tandem ignorabitis vires vestras… ? Numerate saltem quot ipsi sitis, quot adversarios habeatis. Quot enim clientes circa singulos adgressuri essetis, tamen acrius crederem vos pro libertate quam illos pro dominatione certaturos. Ostendite modo bellum ; pacem habebitis. Videant vos paratos ad vim ; jus ipsi remittent. Audendum est aliquid universis, aut omnia singulis patienda. Quousque me circumspectabitis ? Ego quidem nulli vestrum deero ; ne fortuna mea desit videte. Ipse, vindex vester, ubi visum inimicis est, nullus repente fui ; et vidistis in vincula duci universi eum qui a singulis vobis vincula depuleram. Quid sperem, si plus in me audeant inimici ? An exitum Cassi Maeliique exspectem ? Bene facitis, quod abominamini : « Di prohibebunt haec », sed numquam propter me de caelo descendent ; vobis dent mentem oportet ut prohibeatis, sicut mihi dederunt armato togatoque ut vos a barbaris hostibus, a superbis defenderem civibus. Tam parvus animus tanti populi est, ut semper vobis auxilium (2) adversus inimicos satis sit, nec ullum, nisi quatenus imperari vobis sinatis, certamen adversus patres noritis ? »

Tite Live,
Histoire romaine, VI, 18
(170 mots)

(1) Les faits précédemment rapportés. Manlius avait été arrêté, puis relâché.
(2) Allusion au droit de protection que pouvaient exercer les tribuns de la plèbe.

Session 1970

Première composition française

Dans le Misanthrope, Molière joue le rôle d’Alceste ; dans Amphitryon, le rôle de Sosie. Quelles réflexions vous suggèrent ces choix ?

Seconde composition française

Marguerite Yourcenar note que, dans les Électre modernes, « le poète rejette la solution antique, qui était la justice […]. Les termes psychologiques, les formules littéraires ne font qu’étiqueter ou que décrire différemment ce même fait brut, qui est la haine ».

Électre ou la chute des masques (préface)

« Justice », « haine » : cette opposition vous paraît-elle éclairer dans leurs aspects essentiels les pièces, antiques et modernes, inscrites au programme ?

Session 1971

Première composition française

Vérité et poésie dans les pièces de Marivaux inscrites au programme.

Seconde composition française

Justifiant sa tentative de renouvellement du théâtre, Strindberg écrivait :

« À notre époque, où la pensée rudimentaire, incomplète, qui est le fait de l’imagination, semble vouloir évoluer vers la réflexion, l’enquête, la mise à l’épreuve, j’ai supposé que le théâtre était sur le point d’être abandonné, telle une forme d’expression prête à s’éteindre et qu’il ne nous serait plus possible d’apprécier, faute des conditions nécessaires. […]

On a cru pouvoir créer un théâtre nouveau en donnant aux formes anciennes le contenu de l’époque nouvelle ; mais […] le vin nouveau a fait éclater les vieilles bouteilles. »

Préface de Mademoiselle Julie, 1889.

Vous étudierez cette réflexion en vous référant aux œuvres d’Ibsen, Becque, Shaw et Tchekhov, inscrites au programme.

Session 1972

Première composition française

Un critique contemporain écrit : « Diriger mon rêve éternel au lieu de le subir : peut-être est-ce cette […] phrase souvent citée qui définit le mieux aux yeux Gérard la responsabilité de la littérature. Reprendre l’initiative là où le temps, la nuit, la mort, la folie, tous les visages de l’informe et de l’informulé, nous menacent. C’est avant tout un défi de poète. »

Vous étudierez ce « défi » dans les œuvres de Nerval inscrites au programme.

Seconde composition française

Paul Valéry écrit : « On vient aux grands centres pour avancer, pour triompher, pour s’élever ; pour jouir, pour s’y consumer ; pour s’y fondre et s’y métamorphoser ; et en somme pour jouer, pour se trouver à la portée du plus grand nombre possible de chances et de proies, femmes, places, clartés, facilités diverses […]. Chaque grande ville est une immense maison de jeu. »

De son côté, Aragon pense que les grandes villes du XXe siècle sont le terrain d’élection d’une mythologie nouvelle. Il déclare notamment : « Nos cités sont […] peuplées de sphynx méconnus qui n’arrêtent pas le passant rêveur, s’il ne tourne vers eux sa distraction méditative, qui ne lui posent pas de questions mortelles. Mais s’il sait les deviner, ce sage, alors, que lui les interroge […]. La lumière moderne de l’insolite, voilà ce qui va désormais le retenir. »

Dans quelle mesure ces deux textes vous paraissent-ils éclairer les romans inscrits au programme au titre de la seconde question ?

Session 1973

Première composition française

« Ce n’est ni le vrai ni le vraisemblable qui font la beauté et la grâce de ces choses-ci : c’est seulement la manière de les conter. »

Peut-on appliquer aux Fables des livres VII à XII cette déclaration que La Fontaine a formulée à propos d’une autre de ses œuvres ?

Seconde composition française

L’illusion dans les pièces de Shakespeare, Calderon et Corneille inscrites au programme.

Session 1974

Première composition française

« Pour nous qui n’avons entrepris ce petit « Dictionnaire » que pour faire des questions, nous sommes bien loin d’avoir de la certitude » (addition de 1770 à l’article « Certain, Certitude »).

Cette réflexion de Voltaire s’accorde-t-elle avec l’impression que vous a laissée la lecture du « Dictionnaire philosophique » ?

Seconde composition française

Après avoir évoqué l’histoire de Werther comme celle des « souffrances d’une âme malade », Xavier Marmier écrit en 1835 dans ses Études sur Goethe (p. 13-14) :

« Le grand tort d’Ugo Foscolo dans ses dernières lettres de Jacopo Ortis est d’avoir voulu joindre aux péripéties de ce drame intérieur le poids des événements extérieurs en faisant de son héro un banni, un homme malheureux de  son exil, malheureux de l’asservissement de sa patrie, malheureux en outre d’un amour déçu ; il en a sans doute fait un très bon patriote et un homme d’un caractère noble, d’une nature poétique très intéressante : mais il a détruit par là même l’idée philosophique que pouvait avoir son livre ; il a ôté à son héros l’empreinte distinctive de cette âme inquiète, prédestinée, maladive… qui se ronge elle-même comme le Werther de Goethe, qui pleure au milieu des prospérités de la terre comme René de Chateaubriand. »

Vous commenterez cette comparaison des trois romans.

Session 1975

Première composition française

« Panurge ne s’intéresse au fond ni à la question de savoir s’il doit se marier ni à celle de son bonheur personnel, seulement au jeu des thèses opposées. […] Rabelais nous montre un dédain souverain pour cette intrigue, que je dirais « gratuite », puisqu’elle tourne autour de Panurge, le héros de l’action gratuite. »

Votre réflexion sur Le Tiers livre et Le Quart livre s’accorde-t-elle avec cette affirmation de Léo Spitzer ?

Seconde composition française

Un critique contemporain écrit : « Le théâtre de la cruauté n’est pas une représentation. C’est la vie elle-même en ce qu’elle a d’irreprésentable ».

Dans quelle mesure ce propos éclaire-t-il les textes inscrits au programme ?

D. MIXTE

Session 1976

Première composition française

Métamorphose et continuité dans les six premiers livres des Confessions.

Seconde composition française

S’interrogeant sur « la signification du mot décadent qui sert à désigner les écrivains de la nouvelle école littéraire », un critique se demandait en 1886 s’il ne convenait pas d’appeler ces écrivains quintessents.

« N’est-ce pas leur but de chercher la quintessence des choses, d’en extraire le parfum le plus intense, pour produire en quelques instants une sarabande de visions frappantes donnant la sensation de la matière et des faits ? »

Dans quelle mesure les romans de J.-K. Huysmans, O. Wilde et G. d’Annunzio inscrits à votre programme vous paraissent-ils justifier cette analyse ?

Session 1977

Première composition française

Dans une conférence consacrée à Molière, un de ses interprètes dit :

« Son théâtre, qui paraît être le triomphe de la raison aux yeux des commentateurs, est surtout, en vérité, le royaume de cette merveilleuse déraison qui s’appelle la poésie. »

Quelles réflexions sur les pièces inscrits au programme ce jugement vous suggère-t-il ?

[Le sujet est tiré de Louis Jouvet (1887-1951), Entretien à la Sorbonne, 1951.]

Seconde composition française

À propos du théâtre de Guignol, Eugène Ionesco a écrit :

« C’était le spectacle même du monde qui, insolite, invraisemblable, mais plus vrai que le vrai, se présentait à moi sous une forme infiniment simplifiée et caricaturale comme pour en souligner la grotesque et brutale vérité. »

Dans quelle mesure, à votre avis, peut-on appliquer cette réflexion aux pièces du programme ?

[Le sujet est tiré de Eugène Ionesco (1909-1994), Notes et contre-notes, Paris, Gallimard, 1962.]

Session 1978

Première composition française

Giono a écrit :

« Je chante le rythme mouvant et le désordre. »

Vous apprécierez l’intérêt de cette formule pour le lecteur des deux œuvres de Giono inscrites au programme.

[Le sujet est tiré de Jean Giono (1895-1970), L’Eau vive, « Aux sources mêmes de l’espérance », Paris, Gallimard, 1943.]

Seconde composition française

« L’imagination qui raconte doit penser à tout. Elle doit être plaisante et sérieuse, elle doit être rationnelle et rêveuse, il lui faut éveiller l’intérêt sentimental et l’esprit critique. Le conte le meilleur est celui qui sait toucher les limites de la crédulité. »

Dans quelle mesure cette réflexion de Gaston Bachelard éclaire-t-elle les trois récits de voyage imaginaire inscrits au programme ?

[Le sujet est tiré de Gaston Bachelard (1884-1962), La Terre et les rêveries du repos, Paris, José Corti, 1948.]

Session 1979

Première composition française

Selon un critique contemporain, le héros balzacien « est toujours engagé dans le drame que suscite sans fin la passion inutile de l’homme, ce désire que rien n’assouvit et qui se brise inexorablement contre la mort. » Ainsi, le monde de Balzac « est celui de la fatalité de l’élan et de la fatalité de l’échec. »

Votre lecture personnelle de La Peau de chagrin vous conduit-elle à souscrire à cette affirmation ?

[Le sujet est tiré de Gaëtan Picon (1915-1976), L’Usage de la lecture, t. 2, Paris, Mercure de France, 1960, p. 28.]

Seconde composition française

« Le personnage des contes apparaît émancipé des Dieux ; ses protecteurs et ses compagnons suffisent à lui assurer la victoire. Ce détachement, presque ironique, du monde des Dieux s’accompagne d’une totale absence de problématique. Dans les contes, le monde est simple et transparent. »

Dans quelle mesure, à votre avis, ces réflexions peuvent-elles s’appliquer aux contes inscrits au programme ?

[Le sujet est tiré de Mircea Eliade (1907-1986), Aspects du mythe, Paris, Gallimard, 1963.]

Session 1980

Première composition française

POÉSIE PHILOSOPHIQUE

J’aime la majesté des souffrances humaines.

(Vigny). Ce vers n’est pas pour la réflexion. Les souffrances humaines n’ont pas de majesté. Il faut donc que ce vers ne soit pas réfléchi.

Et il est un beau vers, car – « majesté » et « souffrances » forment un bel accord de deux mots importants. […]

Un non-sens peut donc avoir une résonance magnifique.

                                                                                          Paul Valéry, Tel Quel, Littérature.

Sans vous limiter à l’étude du vers cité, vous direz quelles réflexions personnelles ces propos de Valéry vous inspirent sur la « poésie philosophique » de Vigny dans Les Destinées.

Seconde composition française

Ordre et violence dans les épopées guerrières inscrites au programme.

Session 1981

Première composition française

Pour caractériser l’art de Beaumarchais, un critique contemporain emploie l’expression de « théâtre pur ».

Vous direz, en vous fondant sur votre lecture personnelle des deux pièces inscrites au programme, quel sens et quelle portée vous proposez de donner à cette formule.

Seconde composition française

« Traduire, déchiffrer, développer sont les formes de la création pure. […] L’œuvre d’art naît des signes autant qu’elle les fait naître ; le créateur est comme le jaloux, divin interprète qui surveille les signes auxquels la vérité se trahit. »

Dans quelle mesure cette remarque d’un critique éclaire-t-elle la représentation romanesque de la jalousie dans les œuvres inscrites au programme ?

Session 1982

Première composition française

Julien Gracq écrit (Lettrines, p. 24-25) :

« Dans un grand roman, contrairement au monde imparfaitement cohérent du réel, rien ne reste en marge – la juxtaposition n’a de place nulle part, la connexion s’installe partout […]. Comme un organisme, un roman vit d’échanges multipliés […]. Et comme toute œuvre d’art, il vit d’une entrée en résonance universelle – son secret est la création d’un milieu homogène, d’un éther romanesque où baignent gens et choses et qui transmet les vibrations dans tous les sens. »

Quelle lumière ces lignes vous paraissent-elles pouvoir jeter sur Le Rivage des Syrtes ?

Seconde composition française

Selon un critique contemporain, « avec la créature bipolaire que représente le couple maître-valet, on pourrait parler non pas d’harmonie, ni de conflit irrémédiable, mais de cohabitation, de coexistence […]. Chacun va son chemin, traînant l’autre, dans une étrange et complémentaire fraternité. »

Dans quelle mesure cette réflexion éclaire-t-elle les comédies inscrites au programme ?

 

Session 1983

Première composition française

La dédicace de Lucien Leuwen au « lecteur bénévole » se termine par ces mots :

« Adieu, ami lecteur ; songez à ne pas passer votre vie à haïr et à avoir peur. »

De quelle façon cette apostrophe vous semble-t-elle éclairer les démarches du romancier et la facture de l’œuvre ?

Seconde composition française

Un critique contemporain parle de « la duplicité féconde » d’un texte qui est « à la fois Histoire et Roman ».

Dans quelle mesure cette formule vous paraît-elle éclairer les œuvres inscrites au programme ?

 

Session 1984

Première composition française

Pour caractériser l’originalité du roman proustien, un critique contemporain écrit :

« Ici […] se manifeste comme l’objet même du roman, ce qui n’en fut auparavant que l’horizon, le contexte : le monde même, dans son tissu de sensations et d’images. »

Dans quelle mesure votre lecture personelle de À l’ombre des jeunes filles en fleurs vous conduit-elle à partager ce point de vue ?

Seconde composition française

« La logique de l’œuvre suffit à toutes les postulations de la morale. »

En vous appuyant sur les œuvres inscrites au programme, vous direz dans quelle mesure cette formule d’un critique de la seconde moitié du XIXe siècle est propre à caractériser le roman de l’adultère.

 

Session 1985

Première composition française

« Chaos vaincu. »

Dans quelle mesure cette image, qui sert de titre à l’interlude central de L’Homme qui rit, peut-elle éclairer votre lecture de ce roman ?

Seconde composition française

À partir des pièces inscrites au programme, vous direz quelles réflexions sur la représentation de l’amour-passion au théâtre vous inspire cette citation d’un auteur dramatique : « Ce qu’il y a de monstrueux dans l’amour, […] c’est que la volonté est infinie et l’exécution bornée, que le désir est illimité, et l’acte esclave de la limite. »

 

Session 1986

Première composition française

« Ne pouvant reigler les evenemens, je me reigle moy-mesme ».

Dans quelle mesure cette formule, que l’on trouve dans le livre II des Essais, éclaire-t-elle votre lecture personnelle des huit derniers chapitres du livre III inscrits à votre programme ?

Seconde composition française

« Et c’est assez, pour le poète, d’être la mauvaise conscience de son temps ». 

Cette formule d’un poète contemporain vous paraît-elle pouvoir s’appliquer aux œuvres de Blake, Hölderlin, Breton et Paz, inscrites au programme ? 

Session 1987

Première composition française

« Songeons que dans une sentence, la forme emporte le fond, que dans ce genre de style, on incline vers le paradoxe pour atteindre à l’art, que des maximes sur le cœur ne sont pas des théorèmes de géométrie et que des vérités littéraires ont le droit d’être des demi-faussetés. »

Dans quelle mesure votre lecture des Maximes vous permet-elle de partager ce point de vue de Taine sur La Rochefoucauld ?

Seconde composition française

« Pour exalter, l’héroïsme ne doit pas être donné mais conquis. Pour se faire accepter aussi. » 

Cette affirmation d’un critique contemporain vous paraît-elle se vérifier dans les pièces de Sophocle, Shakespeare, Corneille et Kleist inscrites au programme ? 

Session 1988

Première composition française

Après avoir défini l’histoire humaine comme un « livre qui n’aura son sens que quand il sera fini », Doña Musique continue : « C’est ainsi que par l’art du poëte une image aux dernières lignes vient réveiller l’idée qui sommeillait aux premières, revivifier maintes figures à moitié faites qui attendaient l’appel. De tous ces mouvements épars je sais bien qu’il se prépare un accord, puisque déjà ils sont assez unis pour discorder. »

(Troisième journée, scène 1)

Dans quelle mesure ces paroles vous paraissent-elles convenir au Soulier de satin ?

Seconde composition française

« N’oublie jamais qu’une œuvre est chose finie, arrêtée et matérielle. L’arbitraire vivant du lecteur s’attaque à l’arbitraire mort de l’ouvrage. Mais ce lecteur énergique est le seul qui importe, – étant le seul qui puisse tirer de nous ce que nous ne savions pas que nous possédions. »

Dans quelle mesure ces réflexions d’un écrivain du XXe siècle vous paraissent-elles pouvoir s’appliquer aux récits de Gide, de Nabokov et de Calvino inscrits au programme ?

Session 1989

Première composition française

Le critique Jean Starobinski conclut en ces termes son étude « Sur Corneille » (L’Œil vivant) : « L’individu a beau déployer la plus véhémente énergie, il n’est rien sans l’écho que lui renvoie l’admiration universelle. Que l’assentiment extérieur lui soit refusé, que le secours du spectateur ébloui vienne à manquer – reste alors une ombre qui s’agite vainement sur un tréteau où seule la mort est certaine. »

Vous direz dans quelle mesure ce jugement vous semble caractériser le destin du héros dans sa permanence et ses variations du Cid à Othon et à Suréna.

Seconde composition française

En vous référant aux pièces de Marlowe, de Calderón, de Goethe et de Valéry inscrites à votre programme, vous vous demanderez dans quelle mesure la figure de Méphistophélès est indispensable à l’expression théâtrale du mythe de Faust.

Session 1990

Première composition française

Chateaubriand écrit dans les Mémoires d’outre-tombe (quatrième partie, II, 13) : « Ma mémoire oppose sans cesse mes voyages à mes voyages, montagnes à montagnes, fleuves à fleuves, forêts à forêts, et ma vie détruit ma vie. Même chose m’arrive à l’égard des sociétés et des hommes. »

Dans quelle mesure cette réflexion du mémorialiste éclaire-t-elle votre lecture de la quatrième partie des Mémoires d’outre-tombe ?

Seconde composition française

Décrivant, dans un article de 1934, le genre de roman qui semble convenir aux écrivains qui sont décidés à s’occuper du monde d’aujourd’hui, Philippe Soupault constate : « Avides de faits plus que d’épisodes, plus soucieux d’événements que d’intrigues, les romanciers qui se détachent des méthodes anciennes adoptent le point de vue de témoins et non plus de meneurs de jeu. »

Dans quelle mesure les romans de Kafka, de Dos Passos et de Céline inscrits à votre programme vous paraissent-ils justifier ce constat ? 

Session 1991

Première composition française

Julien Gracq écrit, dans Lettrines, à propos des Faux-Monnayeurs : « La cohésion nucléaire (1), essentielle à tout grand roman, y est beaucoup trop faible, et par conséquent la force centrifuge beaucoup trop grande, pour que le lecteur, dès qu’une phrase ou une idée remarquable l’arrête, n’en retire pas immédiatement le crédit aux personnages du livre pour en faire aussitôt des anas (2) d’André Gide. Tout ce qui compte, tout ce qui fait poids, le livre s’en secoue immédiatement sur le lecteur comme un pommier ses pommes : il ne reste qu’un feuillage grêle, au travers duquel l’ordonnance du branchage est crûment visible, et très littéralement on voit le jour à travers. »

(1) L’auteur précise plus loin : « J’appelle cohésion nucléaire cette force d’attraction centrale logée, et bien cachée, dans les grandes œuvres, qui leur permet […] de tenir étroitement soudés et incrustés à elle tous les personnages qui les habitent, aussi solidement que nous sommes collés à la surface de notre planète […] ».
(2) Pour mémoire, ana, d’après Robert : recueil de pensées, de bons mots d’un auteur.

[Le sujet est tiré de Œuvres complètes II, Gallimard, La Pléiade, p. 177.]

Seconde composition française

Un critique contemporain définit le conte comme « la forme où le tragique est en même temps posé et aboli ».

Dans quelle mesure cette affirmation vous paraît-elle convenir aux œuvres inscrites à votre programme ?

Session 1992

Première composition française

Au chapitre XIV d’À Rebours, Joris-Karl Huysmans présente ainsi Des Esseintes : « […], il comprenait d’abord que, pour l’attirer, une œuvre devait revêtir ce caractère d’étrangeté que réclamait Edgard Poe, mais il s’aventurait volontiers plus loin sur cette route et appelait des flores byzantines de cervelle et des déliquescences compliquées de langue ; il souhaitait une indécision troublante sur laquelle il pût rêver, jusqu’à ce qu’il la fît, à sa volonté, plus vague ou plus ferme selon l’état momentané de son âme. Il voulait, en somme, une œuvre d’art et pour ce qu’elle était par elle-même et pour ce qu’elle pouvait permettre de lui prêter, il voulait aller avec elle, grâce à elle, comme soutenu par un adjuvant, comme porté par un véhicule, dans une sphère où les sensations sublimées lui imprimeraient une commotion inattendue et dont il chercherait longtemps et même vainement d’analyser les causes. »

Le roman dont Des Esseintes est le héros vous semble-t-il de nature à combler son attente ?

Seconde composition française

 « Le théâtre reproduit des vertiges de changement, à la fois angoissants et délicieux, qui font de l’inconstance un dieu et un démon ; il projette des angoisses de mort et de souffrance en transformant la cruauté en spectacle et la mort en apparat ; il couvre les inquiétudes liées à la question ontologique par une éthique de l’apparence et de la gloire. »

Dans quelle mesure ces lignes vous paraissent-elles caractériser les œuvres de Calderón, de Rotrou et de Shakespeare inscrites à votre programme ?

Session 1993

Première composition française

Un critique contemporain écrit : « La dialectique entre le discours d’autrui et l’expression de soi est au cœur même de la poétique des Essais. Elle pose le problème de la coexistence de l’intertexte, impersonnel et antérieur au moi, et du projet autobiographique, dont l’essence même est de s’affirmer en marge de la parole intertextuelle. »

Cette opinion vous paraît-elle suffire à éclairer le texte du livre I des Essais ?

[La citation est tirée de F. Rigolot, Le Texte de la Renaissance (1982).]

Seconde composition française

Les textes du programme nous montrent-ils, comme le soutient un critique contemporain : « Non l’idéalisation illusoire d’un être réel, mais le rapport concret, érotique, maintenu entre l’indestructibilité du désir et la mort » ?

Session 1994

Première composition française

Beaucoup d’écrivains, avant ou pendant leur effort créateur, aiment à se placer sous le signe tutélaire d’un prédécesseur ou d’un contemporain. C’est ainsi que Victor Hugo avait écrit : « Être Chateaubriand ou rien. » Quant à Céline, loin de se réclamer de Zola, dont un moment on l’a déclaré proche, ou d’un autre romancier, il a préféré, de façon apparemment surprenante, se placer explicitement sous le parrainage de Mallarmé. Une telle parenté, hautement revendiquée, peut justifier la remarque de Godard, proposée cette année à la réflexion des candidats :

« L’histoire a cessé d’être le seul objet de la narration. Elle n’est pas non plus refusée, ni réduite à l’état de caricature ou tournée en dérision, mais Céline veille à ce qu’elle n’outrepasse pas son rôle de fil conducteur, reconnu nécessaire pour donner lieu aux réussites du langage et faire en sorte qu’elles ne se dispersent pas dans le papillonnement et l’incohérence, mais seulement pour cela. Il a constamment le souci que, dans l’effet produit sur le lecteur par le texte, la part du langage ne soit pas estompée. Contre la tendance si forte d’un sens qui happerait et s’imposerait seul au premier plan, rejetant dans une frange subconsciente la perception des mots et de leur enchaînement, il parvient à ce que ce soient eux qui restent en permanence la réalité à laquelle nous avons affaire, la source première de notre plaisir. »

Seconde composition française

Évoquant la lutte de ses personnages pour l’existence, Giovanni Verga écrit :

« Qui observe ce spectacle n’a pas le droit de le juger. C’est déjà beaucoup s’il réussit à se tenir un instant hors du champ de bataille pour étudier sans passion cette lutte, et rendre nettement la scène, avec une palette appropriée, de façon à représenter la réalité comme elle a été, ou comme elle aurait dû être. »

En vous référant aux œuvres du programme, vous apprécierez dans quelle mesure ces propos définissent la position de l’auteur naturaliste.

Session 1995

Première composition française

 « L’Antiquité de convention y représente le point où le passé et le présent coïncident. Elle porte les marques du monde laïcisé parce qu’elle représente un schéma littéraire, lequel se définit par son opposition à la vérité religieuse. Fénelon fait valoir, dans le monde laïc et avec les moyens de la littérature laïque, le point de vue religieux. C’est cette métamorphose du religieux en séculier qui fait l’originalité de Télémaque. » (1)

Dans quelle mesure cette analyse vous paraît-elle rendre compte de l’œuvre de Fénelon inscrite au programme ?

(1) Volker Kapp, Télémaque de Fénelon. La signification d’une œuvre littéraire à la fin du siècle classique, Tübingen-Paris, Gunter Narr Verlag – Éditions Jean-Michel Place, 1982, p. 127.

Seconde composition française

« … une énorme devinette ou parabole dont le thème est le temps… » (1)

Cette définition vous paraît-elle convenir au Château de Kafka, à L’Aleph de Borges et à L’Emploi du temps de Butor ?

(1) Borges, Fictions, Paris, Folio, 1983, p. 102.

Session 1996

Première composition française

« La nouveauté de Racine ne réside pas dans la primauté donnée à l’amour parmi les autres instincts, mais dans la façon de concevoir l’instinct en général, étranger à toute valeur, et tragique, en un mot naturel, au sens janséniste de ce mot. »

Dans quelle mesure cette analyse de Paul Bénichou (1) vous semble-t-elle convenir aux pièces de Racine inscrites à votre programme ?

(1) Bénichou (Paul), Morales du Grand Siècle, Paris, Gallimard, 1948, p. 138.

Seconde composition française

« … assumer les exigences de la poésie est tout autre chose que lyriser le roman (renoncer à son essentielle ironie, se détourner du monde extérieur, transformer le roman en confession personnelle, le surcharger d’ornements). » (2)

Dans quelle mesure ce jugement d’un auteur contemporain vous semble-t-il éclairer les œuvres de Rilke, Joyce et Cendrars qui figurent au programme ?

(2) Milan Kundera, L’Art du roman, Paris, Gallimard, 1986, d’après l’édition « Folio » (n° 2702), Paris. Gallimard, 1995, p. 175.

Session 1997

Première composition française

« Le héros stendhalien n’a pas un caractère ; il n’est pas constamment tendu vers sa définition ou son essence, mais il vit au jour le jour, selon la couleur de l’heure et le hasard de la rencontre. Libre et souple, il glisse, comme le roman qui relate ses aventures, dans un perpétuel présent (1). » 

Votre lecture de La Chartreuse de Parme vous permet-elle de rendre compte de cette affirmation et de la justifier ?

(1) Jean-Pierre Richard, Littérature et Sensation. Stendhal. Flaubert, Paris, Seuil-Points, 1970, p. 41.

Seconde composition française

Les trois recueils de nouvelles au programme vous semblent-ils relever d’une rhétorique de la brièveté ?  

Session 1998

Première composition française

« La forme narrative ne se prête pas à l’expression de l’équivoque aussi bien que celle du poème versifié court, comme le sonnet. La chronologie inhérente au récit, fût-elle troublée par des lacunes et des imprécisions, est porteuse d’un sens : elle implique une progression et un dénouement, en somme un devenir que le poème peut éluder, en lui préférant l’instant immobile. »

Martine Bercot, « Nerval et Baudelaire : deux poétiques de l’illusion », in Nerval, une poétique du rêve, Paris, Champion, 1989.

Cette analyse vous permet-elle de confirmer votre lecture des œuvres de Nerval inscrites au programme ?

Seconde composition française

« […] Le poids même de cette faute qu’il faut assumer sans l’avoir intentionnellement commise, la dureté d’un châtiment qu’il supporte d’une âme égale sans l’avoir mérité, le haussent au-dessus de la condition humaine, en même temps qu’ils le retranchent de la société des hommes. »

Pensez-vous que cette réflexion d’un auteur contemporain puisse s’appliquer au héros tragique dans les œuvres de Sophocle, Shakespeare, Racine et Ibsen inscrites au programme ? 

Session 1999

Première composition française

« … descendant de palier en palier, de l’héroïsme à l’ambition, de l’ambition à la jalousie, on n’atteint jamais le fond de l’homme, on ne peut jamais en donner une définition dernière, qui soit irréductible ; quand l’ultime passion a été désignée, cette passion elle-même s’évanouit, elle peut n’être que paresse, inertie, néant ; la maxime est une voie infinie de déception ; l’homme n’est plus qu’un squelette de passions, et ce squelette lui-même n’est peut-être que le fantasme d’un rien : l’homme n’est pas sûr. Ce vertige de l’irréel est peut-être la rançon de toutes les entreprises de démystification, en sorte qu’à la plus grande lucidité correspond souvent la plus grande irréalité. »

Roland Barthes, Préface à La Rochefoucauld, Réflexions ou sentences et maximes, Paris, Club français du livre, 1961, repris dans Le Degré zéro de l’écriture, Seuil, 1972.

Vous commenterez cette réflexion à partir d’une lecture précise des œuvres de La Rochefoucauld au programme.        

Seconde composition française

« Ma foi, nous sommes faits pour rire tout de bon des folies de nos maîtres : nos maîtres sont faits pour nous payer et nous donner la comédie », déclare le valet Frontin, dans Le Chevalier joueur de Dufresny (1697).

Dans quelle mesure cette formule éclaire-t-elle la lecture des pièces au programme, L’Imposteur de Plaute, Arlequin serviteur de deux maîtres de Goldoni, Le Barbier de Séville de Beaumarchais et L’Incorruptible de Hofmannsthal ?

Session 2000

Première composition française (Littérature française)

« Le silence est une mort, comme la parole est vigueur et expérience, non pas seulement pour Corinne, mais pour tous. Le roman tourne au réquisitoire contre le silence, mais surtout il explore les conséquences du silence imposé à la femme. »

Madelyn Gutwirth, « Du silence de Corinne et de sa parole »,
Actes du 3ème colloque de Coppet, 15-19 juillet 1980.

Dans quelle mesure ce jugement rend-il compte, selon vous, du roman de Madame de Staël inscrit au programme ?

Seconde composition française

À Philippe Strozzi qui lui demande : « nies-tu l’histoire du monde entier ? », Lorenzaccio répond : « je ne nie pas l’histoire, mais je n’y étais pas ».

Dans quelle mesure cet échange éclaire-t-il les enjeux des pièces au programme : Le Prince de Hombourg de Kleist, Lorenzaccio de Musset et Kordian de Slowacki ?

Session 2001

Première composition française (Littérature française)

« Sodome et Gomorrhe, livre du rire et de l’innommable ».

Vous soumettrez à la réflexion cette formule d’un critique contemporain.

Seconde composition française

« Ainsi, la fonction de la tragédie serait de contraindre un groupe à se situer d’une manière nouvelle par rapport aux autres groupes humains, par rapport à la durée, et, pour tout dire, de le plonger dans une histoire. »

Dans quelle mesure ce jugement d’un critique contemporain éclaire-t-il les enjeux des Perses, de I-Henry IV et des Paravents ?

Session 2002

Première composition française (Littérature française)

« Poèmes épiques.
Les poèmes épiques, quand ils sont beaux, sont beaux quoiqu’ils soient épiques, et le sont par fragments.
Démonstration : Un poème épique est un poème qui se peut résumer. Or est poème ce qui ne se peut résumer.
On ne résume pas une mélodie. »

Paul Valéry, Cahiers

Estimez-vous qu’une telle « démonstration » puisse s’appliquer à la Légende des siècles ?

Seconde composition française

Peut-on dire, au regard des œuvres d’Arthur Schnitzler, Valery Larbaud et Virginia Woolf inscrites au programme, que l’intime est ce forum où il n’y a ni je, ni ici, ni maintenant ?

Session 2003

Première composition française (Littérature française)

« On se débarrasse classiquement de Giraudoux en l’étiquetant « précieux » : son œuvre s’éclaire mieux sous le signe de la cruauté. On qualifie son théâtre de « littéraire », et il ne répudie pas le mot, mais il faut voir d’abord chez lui le souci du spectacle. Et on classe Électre comme pièce grecque, alors qu’il ne faut surtout pas raconter préalablement le mythe grec : tout le dossier se trouve exposé dans la pièce, comme il est de règle dans un jugement. »

Vous appliquerez aussi à La guerre de Troie n’aura pas lieu ces réflexions de Jacques Body, publiées en 1997. Vous paraissent-elles rendre compte de la portée des deux pièces de Jean Giraudoux ?

Seconde composition française

« Le destin n’est pas la ligne à révéler, le plan déjà écrit, le sens sous-jacent, mais plutôt le conflit, sans autre issue que mortelle, entre la trajectoire claire, volontaire et ordonnée du héros et la confusion, essentielle et insensée, du monde contre lequel il se dresse »

Dans quelle mesure cette opinion d’un critique contemporain éclaire-t-elle le personnage du héros marginal dans Les Brigands, Hernani, et Don Alvaro ou la Force du destin ?

Session 2004

Première composition française (Littérature française)

« Les Dialogues sont essentiellement une réflexion dirigée contre la réflexion. C’est là que réside le non-sens, l’erreur capitale des Dialogues, autant et peut-être plus encore que dans le caractère délirant des idées de persécution. La conversation entre les deux personnages, Rousseau et le Français, est une interminable réflexion destinée à prouver que Jean-Jacques, conduit seulement par ses sensations et ses impulsions, est incapable de vivre selon le mode de la pensée réfléchie. Jean-Jacques se sépare de lui-même afin de nous dire qu’il ne s’est jamais quitté. L’ouvrage tout entier est une réflexion malheureuse et honteuse, fascinée par la nostalgie de l’irréfléchi : elle se condamne et se renie elle-même en se développant, et du même coup elle aggrave et prolonge la faute d’écrire et de réfléchir, dont Rousseau se dit innocent. »

Vous discuterez ce jugement de Jean Starobinski (La Transparence et l’Obstacle).

Session 2005

Première composition française (Littérature française)

« Les idées sont rarement satisfaites des exposés précis qu’on fait d’elles. Elles aspirent profondément à la fiction, elles ont besoin de rentrer dans le monde. Allégories, mythes, romans d’idées, romans à thèse, romans de moraliste, romans tout court sont les voies plus ou moins heureuses de ce retour au monde. La plupart du temps, Cyrano se contente de dépayser ses théories : dans la lune ou le soleil, des personnages improvisés dissertent tout à coup sur le vide, l’éternité du monde ou l’immortalité de l’âme ; ils attaquent la morale ou imaginent des moeurs à l’envers ; ils pensent que les rois sont bons lorsqu’ils sont faibles et qu’on les change tous les six mois. Que gagnent les idées à ce traitement ? Ce n’est qu’un détour imposé par la prudence. Mais la fiction a ses lois propres : elle ne reste pas au service de ce qu’elle doit exprimer. »

Dans quelle mesure ce jugement de Maurice Blanchot dans son Tableau de la littérature française vous paraît-il rendre compte des rapports entre idées et fiction dans Les États et Empires de la Lune et du Soleil de Cyrano de Bergerac ?

Seconde composition française

Un critique contemporain a écrit : « Force est de constater que le picaro n’apprend rien. Quand sa voix se tait, il n’a pas changé et il n’a toujours pas pris conscience du sens de son aventure. En a-t-elle un d’ailleurs ? Et a-t-il une conscience ? »

Vous vous demanderez dans quelle mesure ce jugement peut rendre compte des trois œuvres au programme.

Version latine

DISCOURS D’HANNIBAL À SES TROUPES
AVANT LA PREMIÈRE BATAILLE CONTRE L’ARMÉE ROMAINE

« Hic uincendum aut moriendum, milites, est, ubi primum hosti occurristis. Et eadem fortuna, quae necessitatem pugnandi imposuit, praemia uobis ea uictoribus proponit quibus ampliora homines ne ab dis quidem immortalibus optare solent. Si Siciliam tantum ac Sardiniam parentibus nostris ereptas nostra uirtute reciperaturi essemus, satis tamen ampla pretia essent ; quicquid Romani tot triumphis partum congestumque possident, id omne uestrum cum ipsis dominis futurum est ; in hanc tam opimam mercedem, agite dum, dis bene iuuantibus arma capite. Satis adhuc in uastis Lusitaniae Celtiberiaeque montibus pecora consectando nullum emolumentum tot laborum periculorumque uestrorum uidistis ; tempus est iam opulenta uos ac ditia stipendia facere et magna operae pretia mereri, tantum itineris per tot montes fluminaque et tot armatas gentes emensos. Hic uobis terminum laborum fortuna dedit ; hic dignam mercedem emeritis stipendiis dabit. Nec, quam magni nominis bellum est, tam difficilem existimaritis uictoriam fore ; saepe et contemptus hostis cruentum certamen edidit et incliti populi regesque perleui momento uicti sunt. Nam dempto hoc uno fulgore nominis Romani, quid est cur illi uobis comparandi sint ? Vt uiginti annorum militiam uestram cum illa uirtute, cum illa fortuna taceam, ab Herculis columnis, ab Oceano terminisque ultimis terrarum per tot ferocissimos Hispaniae et Galliae populos uincentes huc peruenistis ; pugnabitis cum exercitu tirone, hac ipsa aestate caeso, uicto, circumsesso a Gallis, ignoto adhuc duci suo ignorantique ducem. »

Tite Live, 
Histoire romaine, XXI, 43, 5-14
(217 mots)

Corrigé proposé par le jury

« C’est ici, soldats, qu’il vous faut vaincre ou mourir, ici où vous vous trouvez face à l’ennemi pour la première fois. Et le même sort qui vous a imposé la nécessité de combattre vous propose, en cas de victoire, des récompenses telles que les hommes n’ont pas l’habitude d’en souhaiter de plus grandes, fût-ce de la part des dieux immortels. Même s’il ne s’agissait que de reconquérir par notre courage la Sicile et la Sardaigne arrachées à nos pères, la récompense serait suffisamment belle ; mais c’est tous les biens que les Romains possèdent pour les avoir acquis et amassés après tant de triomphes, c’est tous ces biens qui seront à vous, avec leurs propriétaires eux-mêmes. Pour une si magnifique récompense, allez, prenez les armes avec l’aide bienveillante des dieux. Vous avez assez jusqu’ici poursuivi des troupeaux dans les montagnes désertes de Lusitanie et de Celtibérie sans tirer le moindre profit de tant de fatigues et de dangers que vous avez connus. Il est temps à présent de mener des campagnes enrichissantes et fructueuses et de retirer une large rétribution de votre peine, vous qui avez parcouru tant de chemin à travers tant de montagnes et de fleuves et tant de peuples en armes. C’est ici que le sort a assigné un terme à vos épreuves ; c’est ici qu’il vous donnera une récompense digne des campagnes accomplies. Et n’allez pas croire que la difficulté de la victoire sera à la mesure du grand nom que porte cette guerre : il est souvent arrivé qu’un ennemi dont on faisait peu de cas donne lieu à un combat sanglant, et inversement, que des peuples et des rois illustres soient vaincus d’une chiquenaude. De fait, si l’on enlève seulement cet éclat que possède le nom de Rome, en quoi vous sont-ils comparables? Sans parler de vos vingt années de campagne menées avec la bravoure, avec le succès que l’on sait, partis des Colonnes d’Hercule, de l’Océan et des confins des terres, à travers tant de peuples si sauvages d’Espagne et de Gaule, vous êtes parvenus jusqu’ici en vainqueurs ; vous allez affronter une armée de jeunes recrues, qui cet été même a été taillée en pièces, vaincue, cernée par les Gaulois, qui n’est pas encore connue de son général et qui ne connaît pas encore son général. »

Session 2006

Première composition française (Littérature française)

Michel Jeanneret écrit dans « Le récit modulaire et la crise de l’interprétation » (Le Défi des signes, 1994) :

« L’indécidabilité ne tient pas seulement à la diversité des devisants, elle est aussi inscrite dans la multiplicité des faits, l’immense varièté des phénomènes. Une histoire ne convainc pas ? On en raconte une autre, puis une autre, et qui chacune illustre une vérité différente, si bien qu’au lieu de se compléter, les nouvelles divergent ou se contredisent. On interroge inlassablement l’amour, on tourne autour du même objet, afin de construire une vision globale, mais aucune vue cohérente ne se dégage ; les constantes sur lesquelles on comptait pour établir des lois font défaut. L’événement particulier qui devait trouver sa place dans un ordre apparaït finalement irréductible, ni typique ni imitable ; il tombe en dehors des catégories épistémologiques et morales : il est extra-ordinaire. »

Vous examinerez en quoi ces propos peuvent éclairer l’oeuvre de Marguerite de Navarre au programme.

Seconde composition française

« La louange et le désir vont toujours aux qualités universellement bonnes ou belles de ce qui est aimé ; par essence, la poésie amoureuse ne veut pas être une poésie de circonstance. »

Cette opinion d’un critique contemporain vous paraît-elle justifiée après la lecture des Amours d’Ovide, du Canzoniere de Pétrarque, des Sonnets de Shakespeare et du Divan de Goethe ?

Version latine

Prudentissima ciuitas Atheniensium, dum ea rerum potita est, fuisse traditur ; eius porro ciuitatis sapientissimum Solonem dicunt fuisse, eum qui leges quibus hodie quoque utuntur scripserit. Is cum interrogaretur cur nullum supplicium constituisset in eum qui parentem necasset, respondit se id neminem facturum putasse. Sapienter fecisse dicitur, cum de eo nihil sanxerit quod antea commissum non erat, ne non tam prohibere quam admonere uideretur. Quanto nostri maiores sapientius ! Qui, cum intellegerent nihil esse tam sanctum quod non aliquando uiolaret audacia, supplicium in parricidas singulare excogitauerunt ut, quos natura ipsa retinere in officio non potuisset, ii magnitudine poenae a maleficio summouerentur. Insui voluerunt in culleum uiuos atque ita in flumen deici.

O singularem sapientiam, iudices ! Nonne uidentur hunc hominem ex rerum natura sustulisse et eripuisse cui repente caelum, solem, aquam terramque ademerint, ut, qui eum necasset unde ipse natus esset, careret iis rebus omnibus ex quibus omnia nata esse dicuntur ? Noluerunt feris corpus obicere, ne bestiis quoque quae tantum scelus attigissent immanioribus uteremur ; non sic nudos in flumen deicere, ne, cum delati essent in mare, ipsum polluerent quo cetera quae uiolata sunt expiari putantur ; denique nihil tam uile neque tam uulgare est cuius partem ullam reliquerint. Etenim quid tam est commune quam spiritus uiuis, terra mortuis, mare fluctuantibus, litus eiectis?

Cicéron, 
Plaidoyer pour Sextus Roscius d’Amérie, XXV, 70 — XXVI, 72
(208 mots)

Corrigé proposé par le jury

La cité d’Athènes, tant qu’elle fut puissante, fut, à ce qu’on rapporte, la plus sage ; en outre, le plus sage de cette cité fut Solon, dit-on, lui qui rédigea les lois dont on se sert encore aujourd’hui. Alors qu’on lui demandait pourquoi il n’avait prévu aucun supplice contre un coupable de parricide, il répondit qu’il avait cru que personne ne commettrait ce crime. Il passe pour avoir agi sagement, quand il ne punit en rien ce qui n’avait pas été commis auparavant, dans la crainte de donner l’impression non pas tant de chercher à empêcher ce crime que de vouloir attirer l’attention dessus. Comme nos ancêtres ont agi bien plus sagement ! En effet, alors qu’ils avaient saisi que rien n’était à ce point sacré que l’audace ne vienne le violer un jour, ils mirent au point un supplice spécial contre/pour les parricides afin que ceux que la nature elle-même ne pouvait maintenir dans le respect de leurs devoirs fussent détournés du crime par l’énormité de la peine. Ils voulurent qu’on les couse vivants en un sac et qu’on les jette ainsi à la rivière.

Ô extraordinaire sagesse, messieurs les juges ! Ne semblent-ils pas avoir ôté et fait disparaître cet homme du monde, cet homme à qui ils ont enlevé d’un coup le ciel, le soleil, l’eau et la terre ? De sorte que lui qui a tué celui dont il était né lui-même, il est privé de tous ces éléments par lesquels tout est né dit-on. Ils n’ont pas voulu jeter son corps aux bêtes sauvages, afin que nous n’ayons pas affaire à des bêtes aussi plus monstrueuses, pour les avoir mises en contact avec un tel crime ; ils n’ont pas voulu les jeter à la rivière ainsi nus, afin qu’ils n’aillent pas, une fois emportés dans la haute mer, polluer cet élément même par lequel toutes les autres souillures sont, pense-t-on, expiées ; enfin, il n’est rien de si répandu et de si commun dont ils lui aient laissé une part. Et de fait, quoi d’aussi commun que l’air pour les vivants, que la terre pour les morts, que la mer pour ceux qui sont ballottés sur les flots, que le rivage pour ceux que les flots ont rejetés ?

Session 2007

Première composition française (Littérature française)

Dans Onze études sur la poésie moderne (éditions du Seuil, 1964, p. 49), Jean-Pierre Richard écrit :

« Toute une part de la poésie persienne relève de ce qu’il est convenu de nommer la littérature engagée : mais cet engagement, celui de la guerre ou de la résistance, n’y est en réalité qu’un infini dégagement… Car l’acuité nouvelle de l’insurgé, du sage ou du guerrier, elle sert essentiellement, nous le savons, à soutenir l’élan d’une impatience, à faciliter le mouvement tout romantique qui vise toujours à un plus loin, et à un au-delà de ce plus loin. La guerre ainsi dénude l’exilé, mais elle renverse aussi les villes, déracine et transplante les soldats, bouleverse le monde au vent de la conquête. Or point de thème plus explicitement, plus monotonement répété chez Perse que ce besoin d’un autre espace, d’un ailleurs. Mais cet ailleurs, que dissimule-t-il en vérité ? une plénitude, un être ? Bien plutôt, croyons-nous, un vide et une absence d’être. »

Quelle lumière ces lignes jettent-elles sur votre lecture des recueils de Saint-John Perse inscrits au programme ?

Seconde composition française

« Écrire, quand on s’en acquitte avec l’habileté que vous ne manquez pas de percevoir dans mon récit, n’est rien d’autre que converser. Aucun homme de bonne compagnie ne s’avisera de tout dire ; ainsi aucun auteur, averti des limites que la décence et le bon goût lui imposent, ne s’avisera de tout penser. » (Sterne, livre II, chapitre XI)

Dans quelle mesure cette citation de Vie et opinions de Tristram Shandy peut-elle éclairer votre lecture du Tiers Livre de Rabelais, de Don Quichotte de Cervantès et du roman de Sterne ?

Version latine

Virgile,
Énéide
, I, v. 338-366

Session 2008

Première composition française (Littérature française)

« Les routes de Julien Gracq ne mènent nulle part. Si elles ont un terme, il est sans importance, et jamais le récit n’aboutit parce que l’essentiel est ailleurs. Mais cet ailleurs, seule la route peut le désigner. Elle ne le nomme pas, il est innommable. Elle le fait seulement pressentir et le récit se limite à enclencher des mécanismes, à faire jouer des déclics qui magnétiseront l’espace pour mieux nous aimanter. Sur les routes de Julien Gracq s’inscrit le trajet d’une fascination. Le but géographique est dérisoire, la finalité est d’ordre mystique, à tout le moins philosophique, c’est d’initiation qu’il s’agit.
La révélation est au bout du chemin, mais au fil du parcours, chacun comprend que le chemin, jamais, ne finira et que tout tient dans la promesse. »

Jean-Yves Magdelaine, «  La genèse ininterrompue – symbolisme et dynamique connotative dans trois récits de Julien Gracq », in Julien Gracq 1, une écriture en abyme, Minard, « La revue des lettres modernes », 1991.

Dans quelle mesure ce jugement d’un critique contemporain vous semble-t-il pouvoir éclairer les oeuvres de Julien Gracq au programme ?

Seconde composition française

« Le lieu de naissance du roman est l’individu dans sa solitude, qui ne dispose plus d’expression exemplaire de ses intérêts les plus vitaux et qui, n’étant conseillé par personne, est lui-même incapable de conseiller qui que ce soit. »

Dans quelle mesure ce jugement d’un critique du vingtième siècle permet-elle d’éclairer votre lecture des textes au programme (Le Tiers Livre de Rabelais, Don Quichotte de Cervantès et Vie et opinions de Tristram Shandy de Sterne) ?

Version latine

HÉROÏSME DE DEUX CARTHAGINOIS

Au temps où Carthage était maîtresse de la plus grande partie de l’Afrique, elle avait en Cyrène une rivale aussi riche que puissante.

Ager in medio harenosus, una specie ; neque flumen neque mons erat, qui fi nis eorum discerneret ; quae res eos in magno diuturnoque bello inter se habuit. Postquam utrimque legiones, item classes saepe fusae fugataeque et alteri alteros aliquantum adtriuerant, ueriti ne mox uictos uictoresque defessos alius aggrederetur, per indutias sponsionem faciunt uti certo die legati domo profi ciscerentur : quo in loco inter se obuii fuissent, is communis utriusque populi finis haberetur. Igitur Carthagine duo fratres missi, quibus nomen Philaenis erat, maturauere iter pergere : Cyrenenses tardius iere. Id socordiane an casu acciderit parum cognoui. Ceterum solet in illis locis tempestas haud secus atque in mari retinere : nam ubi per loca aequalia et nuda gignentium uentus coortus harenam humo excitauit, ea, magna ui agitata, ora oculosque implere solet ; ita prospectu impedito morari iter. Postquam Cyrenenses aliquanto posteriores se esse uident, et ob rem corruptam domi poenas metuunt, criminari Carthaginiensis ante tempus domo digressos, conturbare rem, denique omnia malle quam uicti abire. Sed cum Poeni aliam condicionem, tantummodo aequam, peterent, Graeci (1) optionem Carthaginiensium faciunt ut uel illi, quos fi nis populo suo peterent, ibi uiui obruerentur, uel eadem condicione sese quem in locum uellent processuros. Philaeni, condicione probata, seque uitamque suam rei publicae condonauere : ita uiui obruti.

Salluste,
La Guerre de Jugurtha, 79, 3-9
(204 mots)

(1) Graeci : Cyrène est une colonie grecque.

Corrigé proposé par le jury

Le territoire entre elles était sablonneux, uniforme ; il n’y avait ni fleuve ni montagne pour déterminer leurs frontières; et cette situation les entraîna dans une guerre sévère et prolongée. Après que de part et d’autre leurs troupes, de même que leurs flottes, furent souvent mises en déroute et en fuite, et que les deux camps se furent l’un l’autre passablement affaiblis, de peur qu’un troisième n’attaquât bientôt vaincus et vainqueurs épuisés, à l’occasion d’une trêve, ils prennent l’engagement qu’en un jour fixé leurs représentants partiraient de chaque ville : l’endroit où ils se seraient rencontrés serait reconnu comme la frontière commune de chacun des deux peuples. Ainsi donc deux frères envoyés de Carthage, qui s’appelaient les Philènes, firent la route très vite mais les Cyrénéens allèrent plus lentement. Légèreté ou accident, je ne le sais pas. Du reste dans ces contrées la tempête, comme sur mer, retarde souvent le trajet: en effet dans des régions uniformes et dépourvues de végétation, lorsque le vent qui s’est levé a soulevé le sable du sol celui-ci, mu par une énorme force, a l’habitude de remplir les yeux et la bouche. Ainsi l’impossibilité de voir empêche d’avancer. Comme les Cyrénéens voient qu’ils sont sensiblement en arrière, et qu’ils craignent une fois revenus chez eux d’être punis pour avoiréchoué, ils accusent les Carthaginois d’être partis en avance de chez eux, ils embrouillent l’affaire, en somme ils préfèrent tout plutôt que repartir vaincus. Mais comme les Carthaginois demandaient de fixer une autre condition, qui fût seulement équitable, les Grecs leur proposent l’alternative suivante : soit les Carthaginois seraient enterrés vivants là où ils réclamaient pour leur peuple la frontière, soit en s’appliquant la même règle eux- mêmes avanceraient à l’endroit qu’ils voudraient. Les Philènes, ayant approuvé cette proposition, firent don de leur personne et de leur vie à leur cité: ils furent donc enterrés vivants.

Session 2009

Rapport du jury 2009

Première composition française (Littérature française)

« L’intériorité se renverse, et c’est le masque et la théâtralisation  qui représentent contre la profondeur mensongère la véracité du moi. Le lieu du Moi n’est pas situé ailleurs que dans l’apparence carnavalesque. Pas de « profondeur » cachée, mais un dire-vrai étale, offert à tous les yeux, exhibitionniste, celui du moi qui ne peut être récupéré qu’accepté dans la provocation de sa monstruosité. Le moi dramatique chez Hugo réside dans cette acceptation, dans le fait qu’il n’existe que dans ce qu’il montre, c’est-à-dire le monstre […]. »

Anne Ubersfeld, Le Roi et le Bouffon, pages 775-776 (José Corti, 2001).

Seconde composition française

« La femme en littérature n’est ni paysage ni effigie et l’on n’en connaît pas de vue ; on n’en connaît que des images où elle n’est point seule mais entourée d’un appareil de circonstances, de situations, de comparses ; c’est-à-dire soit, des types proposés à la reconnaissance, soit des allussions proposées à l’imagine, tous caractères d’un objet indissolublement sacré et susceptible de possession. »

Dans quelle mesure ces lignes d’un critique contemporain éclairent-elles votre lecture de Nana, de Tess d’Urberville et d’Effi Briest ?

Version latine

RÉFLEXIONS SUR LE SUICIDE

Non est quod existimes magnis tantum uiris hoc robur fuisse quo seruitutis humanae claustra perrumperent ; non est quod iudices hoc fieri nisi a Catone non posse, qui quam ferro non emiserat animam manu extraxit : uilissimae sortis homines ingenti impetu in tutum euaserunt, cumque e commodo mori non licuisset nec ad arbitrium suum instrumenta mortis eligere, obuia quaeque rapuerunt et quae natura non erant noxia ui sua tela fecerunt. Nuper in ludo bestiariorum unus e Germanis, cum ad matutina spectacula pararetur, secessit ad exonerandum corpus : nullum aliud illi dabatur sine custode secretum ; ibi lignum id quod ad emundanda obscena adhaerente spongia positum est totum in gulam farsit et interclusis faucibus spiritum elisit. Hoc fuit morti contumeliam facere. Ita prorsus, parum munde et parum decenter : quid est stultius quam fastidiose mori ? O uirum fortem, o dignum cui fati daretur electio ! Quam fortiter ille gladio usus esset, quam animose in profundam se altitudinem maris aut abscisae rupis inmisisset ! Vndique destitutus inuenit quemadmodum et mortem sibi deberet et telum, ut scias ad moriendum nihil aliud in mora esse quam uelle. Existimetur de facto hominis acerrirni ut cuique uisum erit, dum hoc constet, praeferendam esse spurcissimam mortem seruituti mundissimae. Quoniam coepi sordidis exemplis uti, perseuerabo : plus enim a se quisque exiget, si uiderit hanc rem etiam a contemptissimis posse contemni.

Sénèque le Jeune,
Lettres à Lucilius, 70
(215 mots)

Corrigé proposé par le jury

Non, il n’y a pas de raison de considérer qu’il n’y ait que des grands hommes qui aient possédé cette force (d’âme) qui leur permît de briser les chaînes de la servitude humaine. Il n’y a pas de raison d’estimer que Caton soit le seul qui puisse le faire, lui qui arracha avec sa main l’âme qu’il n’avait pu faire expirer avec son épée. Des hommes de la plus basse extraction, avec un effort immense, se refugièrent en lieu sûr et, puisqu’il ne leur avait pas été donné de mourir comme il leur convenait ni de choisir à leur guise les moyens de se donner la mort, ils se saisirent de tout ce qui put leur tomber sous la main et mirent leur énergie à faire d’objets qui, en soi, n’étaient pas dangereux des armes. Récemment, lors d’un jeu qui mettait aux prises les gladiateurs à des bêtes, un Germain, alors qu’on le préparait pour les combats du matin, se retira pour se soulager. On ne lui permettait d’aller dans aucun autre endroit qui fût à l’abri des regards d’un garde. Là, il s’enfonça complètement dans le gosier le bâton qui est y placé avec une éponge accrochée au bout pour nettoyer les excréments et il rendit l’âme, la gorge obstruée. [Mais, diras-tu,] cette attitude revint à faire un affront à la mort ! Oui, tout à fait : de façon bien peu propre et bien peu décente. Mais qu’y aurait-il de plus stupide que de mourir en jouant les délicats ? Ô homme courageux, ô homme qui méritait qu’on lui donnât le choix de son destin ! Avec quel courage cet homme aurait manié l’épée, avec quelle hardiesse il se serait précipité dans un gouffre profond en mer ou au fond d’un ravin, à flanc d’un rocher abrupt ! Abandonné de toutes parts, il trouva le moyen de ne se devoir qu’à lui-même tant la mort que son arme, pour qu’on sache que, pour mourir, rien d’autre ne nous retarde que notre volonté. Que chacun apprécie l’acte de cet homme si impétueux comme bon lui semblera, pourvu que l’on tienne pour avéré qu’il faut préférer la mort la plus immonde à la servitude la plus propre. Puisque j’ai commencé à prendre des exemples triviaux, eh bien ! je vais continuer dans cette voie. Chacun exigera en effet davantage de soi-même s’il constate que même les êtres les plus méprisables peuvent mépriser cette chose qu’est la mort.

Version grecque

Longus, 
Daphnis et Chloé, II, 4, 1 – 5, 3

Session 2010

Rapport du jury 2010

Première composition française (Littérature française)

Francois Rigolot écrit : « Dans une optique qu’on pourrait appeler « maniériste », Ronsard ménage […] une certaine distance esthétique entre lui-même et son lecteur, ce qui empêche ce dernier d’adhérer pleinement à la thèse politique soutenue au même moment […]. Ronsard se contente souvent de présenter un tableau en laissant le spectateur juger du résultat, selon ses propres goûts. »

Poésie et Renaissance, Paris, Le Seuil, coll. « Points », 2002, p. 316

Vous discuterez cette formule en vous demandant dans quelle mesure elle s’applique aux Discours inscrits à votre programme.

Seconde composition française

« Dans l’œuvre naturaliste, il y a comme une nature primitive qui monte à la surface pour envahir les confins humains. Cette force de la nature vient saper la vitalité de l’individu et l’entraîner vers le désastre. Partout la volonté humaine cède, s’humilie devant cette volonté universelle, informe, dépersonnalisée. » (David Baguley, Le Naturalisme et ses genres, Paris, Armand Colin, 1996, p. 175)

Version latine

LES PREMIÈRES ANNÉES DE NÉRON

De genitura eius statim multa et formidolosa multis coiectantibus praesagio fuit etiam Domitii patris uox, inter gratulationes amicorum negantis « quicquam ex se et Agrippina nisi detestabile et malo publico nasci potuisse ». Eiusdem futurae infelicitatis signum euidens die lustrico (1) extitit ; nam C. Caesar (2), rogante sorore (3) ut infanti quod uellet nomen daret, intuens Claudium patruum suum, a quo mox principe Nero adoptatus est, « eius se » dixit « dare », neque ipse serio sed per iocum et aspernante Agrippina, quod tum Claudius inter ludibria aulae erat. Trimulus patrem amisit ; cuius ex parte tertia heres, ne hanc quidem integram cepit correptis per coheredem Gaium (2) uniuersis bonis. Et subinde matre etiam relegata paene inops atque egens apud amitam Lepidam nutritus est sub duobus paedagogis saltatore atque tonsore. Verum Claudio imperium adepto non solum paternas opes reciperuit, sed et Crispi Passieni uitrici sui hereditate ditatus est. Gratia quidem et potentia reuocatae restitutaeque matris usque eo floruit, ut emanaret in uulgus missos a Messalina uxore Claudii, qui eum meridiantem, quasi Britannici aemulum, strangularent. Additum fabulae eosdem dracone e puluino se proferente conterritos refugisse. Quae fabula exorta est deprensis in lecto eius circum ceruicalia serpentis exuuiis ; quas tamen aureae armillae ex uoluntate matris inclusas dextro brachio gestauit aliquandiu ac taedio tandem maternae memoriae abiecit rursusque extremis suis rebus frustra requisiit.

Suétone, 
Vie de Néron, 6, 2-8
(214 mots)

(1) Jour où les nouveau-nés, après une cérémonie de purification, recevaient leur nom. 
(2) Gaius Caesar, ou Gaius désignent tous deux l’empereur Caligula.
(3) Agrippine, la mère du nouveau-né.

Corrigé proposé par le jury

Les nombreuses personnes qui, en consultant son horoscope, firent aussitôt mille prédictions terribles virent aussi un présage dans une parole de son père Domitius : celui-ci, tandis que ses amis le félicitaient, affirma que « de lui et d’Agrippine, il n’avait pu naître qu’une chose détestable et destinée à causer le malheur de l’Etat ». Un signe très clair de la triste destinée du même enfant se manifesta le jour de sa purification, car Caligula, tandis que sa sœur lui demandait de donner à l’enfant le nom de son choix, regarda son oncle Claude – celui qui devait peu après devenir empereur et adopter Néron – et dit qu’il lui donnait le nom de Claude ; lui-même ne parlait pas sérieusement mais en manière de plaisanterie, et Agrippine méprisa cette suggestion, parce que Claude était alors l’objet des plaisanteries de la cour. Agé de trois ans, Néron perdit son père ; héritier du tiers de sa fortune, il ne reçut même pas cette part dans son intégralité, car Caligula, son co-héritier, s’empara de l’ensemble des biens. Et comme immédiatement après, sa mère aussi fut bannie, il fut élevé, quasiment sans ressource et manquant de tout, chez sa tante Lepida, avec deux maîtres pour s’occuper de lui, un danseur et un barbier. Mais, Claude une fois devenu empereur, non seulement Néron récupéra les biens de son père, mais il s’enrichit également de l’héritage de son beau-père Crispus Passienus. La faveur et la puissance de sa mère, qui avait été rappelée d’exil et rétablie dans ses droits, furent telles que se répandait dans la foule le bruit selon lequel des hommes avaient été envoyés par Messaline, l’épouse de Claude – qui considérait Néron comme un rival de Britannicus – pour l’étrangler pendant sa sieste. On ajouta à cette légende le fait que ces mêmes hommes s’étaient enfuis, terrorisés par un serpent qui se dressait depuis un coussin. Ce qui fit naître cette légende, c’est qu’on retrouva dans son lit, autour de son oreiller, des peaux de serpent ; ces peaux furent, sur la volonté de sa mère, enchâssées dans un bracelet d’or : Néron le porta au bras droit quelque temps puis enfin, quand le souvenir de sa mère lui devint pénible, il rejeta ce bracelet, et le réclama de nouveau, mais en vain, à la fin de sa vie.

Version grecque

UN APPRENTI SORCIER

Lucien,
Les Affabulateurs, 34-36
(à partir de Καὶ τέλος πείθει με… jusqu’à … ὅποι ἀφανὴς ᾤχετο ἀπιών)

Corrigé proposé par le jury

Finalement, il insiste pour que je laisse tous mes serviteurs à Memphis, et que je l’accompagne seul, car ce n’étaient pas les domestiques qui nous manqueraient ; et depuis ce moment-là, nous voyagions ainsi, à deux. Lorsque nous descendions dans une auberge, l’homme s’emparait de la barre de porte, du balai ou du pilon, lui mettait des vêtements, prononçait une incantation et le faisait marcher ; et l’objet passait pour un homme aux yeux du reste du monde. Il sortait puiser de l’eau, chercher des provisions, il nous servait habilement et nous obéissait en tous points. Ensuite, quand il n’avait plus besoin de ses services, il prononçait une autre incantation, et ordonnait au balai de redevenir balai, au pilon de redevenir pilon. Or, ce tour, malgré tous mes efforts, il n’y avait pas moyen de l’apprendre de lui : quoique fort aimable par ailleurs, il le gardait jalousement. Un jour cependant, à son insu, je parvins à entendre l’incantation (elle faisait trois syllabes à peine), en me cachant dans l’obscurité ; lui de son côté partit au marché, après avoir donné ses instructions au pilon. Le lendemain, comme il avait des affaires à régler au marché, je pris le pilon, je lui mis son accoutrement habituel, je prononçai les syllabes et lui ordonnai d’aller chercher de l’eau. Quand il eut rapporté l’amphore après l’avoir remplie : « ça suffit », déclarai-je, « assez d’eau comme cela : redeviens pilon ». Mais lui ne voulait plus m’obéir : il continuait d’aller chercher de l’eau, encore et encore, au point d’inonder la maison à force de remplir l’amphore. Alors, ne sachant que faire — j’avais peur que Pancratès, à son retour, ne se mette en colère, ce qui ne manqua pas d’arriver — je saisis une hache, et je coupe le pilon en deux. Mais voilà les deux morceaux, chacun de son côté, qui s’emparent d’une amphore pour aller chercher de l’eau, et je me retrouvais avec deux serviteurs au lieu d’un ! Là-dessus, Pancratès arrive et comprend ce qui s’était passé : il transforma à nouveau les morceaux en bois, tels qu’ils étaient avant l’incantation, mais quant à lui, il me quitta sans que j’y prenne garde, et disparut je ne sais où.

Session 2011

Rapport du jury 2011

Première composition française (Littérature française)

Alain Robbe-Grillet écrit : « Comme il n’y avait pas, dans nos livres, de « personnages » au sens traditionnel du mot, on en a conclu, un peu hâtivement, qu’on n’y rencontrait pas d’hommes du tout. C’était bien mal les lire. L’homme y est présent à chaque page, à chaque ligne, à chaque mot. Même si l’on y trouve beaucoup d’objets, et décrits avec minutie, il y a toujours et d’abord le regard qui les voit, la pensée qui les revoit, la passion qui les déforme. » (« Nouveau roman, homme nouveau », Pour un nouveau roman, Gallimard, collection « Idées », 1963, p. 147)

Vous direz en quoi cette mise au point est susceptible d’éclairer votre lecture des Gommes et de La Jalousie d’Alain Robbe-Grillet.

Seconde composition française

« Ce qui caractérise ce théâtre, ce n’est pas simplement la “monstration de monstres”, mais bien le processus de métamorphose par lequel le héros sort de l’humanité. » (Marie-Christine Lesage, « De Sénèque à Kane : monstres et cruauté symbolique », dans Le Théâtre et le Mal, Registres 9/10, hiver 2004-printemps 2005).

Dans quelle mesure cette réflexion d’un critique contemporain éclaire-t-elle les œuvres du programme : Titus Andronicus, Médée, Viol et Anéantis ?

Étude grammaticale d’un texte français antérieur à 1500

Étude grammaticale d’un texte français postérieur à 1500

Version latine

ÉLOGE DU SAGE STOÏCIEN

Quam grauis uero, quam magnifica, quam constans conficitur persona sapientis ! qui, cum ratio docuerit, quod honestum esset, id esse solum bonum, semper sit necesse est beatus uereque omnia ista nomina possideat, quae irrideri ab imperitis solent. Rectius enim appellabitur rex quam Tarquinius, qui nec se nec suos regere potuit, rectius magister populi (is enim est dictator) quam Sulla, qui trium pestiferorum uitiorum, luxuriae, auaritiae, crudelitatis, magister fuit, rectius diues quam Crassus, qui nisi eguisset, numquam Euphraten (1) nulla belli causa transire uoluisset. Recte eius omnia dicentur, qui scit uti solus omnibus, recte etiam pulcher appellabitur (animi enim liniamenta sunt pulchriora quam corporis), recte solus liber nec dominationi cuiusquam parens nec oboed.iens cupiditati, recte inuictus, cuius etiamsi corpus constringatur, animo tamen uinoula inici nulla possint. Nec (2) expectet ullum tempus aetatis, ut tum denique iudicetur, beatusne fuerit, cum extremum uitae diem morte confecerit, quod ille unus e septem sapientibus, non sapienter, Croesum monuit ; nam si beatus umquam fuisset, beatam uitam usque ad illum a Cyro extructum rogum pertulisset (3). Quod si ita est, ut neque quisquam nisi bonus uir et omnes boni beati sint, quid philosophia magis colendum aut quid est uirtute diuinius ?

Cicéron, 
Des termes extrêmes des biens et des maux, III, 75-76
(190 mots)

(1) Euphraten : accusatif (forme grecque).
(2) nec (ici) = neue.
(3) Crésus, roi de Lydie réputé pour sa richesse, perdit son royaume au profit de Cyrus,
qui le condamna à mort, puis décida in extremis de l’épargner.

Corrigé proposé par le jury

Et certes, qu’il est imposant, qu’il est magnifique, qu’il est constant, le personnage du sage ainsi élaboré ! Celui-ci, une fois que la raison lui aura enseigné qu’il n’y a d’autre bien que l’honnêteté, ne peut faire autrement que d’être toujours heureux et de posséder véritablement tous ces noms que les profanes ont l’habitude de railler. En effet, il méritera qu’on l’appelle roi mieux que Tarquin, qui ne sut être roi ni de lui-même, ni des siens ; il méritera qu’on l’appelle maître du peuple (c’est-à-dire dictateur) mieux que Sylla, qui ne fut le maître que de trois vices délétères : le goût du luxe, l’avarice et la cruauté ; il méritera qu’on l’appelle riche mieux que Crassus, qui, s’il avait été comblé, n’aurait jamais eu le désir de traverser l’Euphrate sans aucun motif de guerre. Il méritera bien qu’on dise qu’il a tout, lui qui est seul à savoir user de tout. Il méritera même bien qu’on l’appelle beau (car les linéaments de l’âme sont plus beaux que ceux du corps) ; que seul on l’appelle libre, délivré de la domination de quiconque et de l’emprise de la passion ; qu’on l’appelle invincible, car même si son corps est enchaîné, nuls liens ne peuvent pourtant emprisonner son âme. Et il n’a pas à attendre, pour qu’on juge enfin s’il a été heureux, d’avoir atteint l’âge où la mort aura mis un terme au dernier jour de sa vie, comme l’un des sept sages, avec peu de sagesse, le conseilla à Crésus ; car si ce dernier avait jamais été heureux, il aurait jusqu’au bout mené une vie heureuse, y compris jusqu’à ce bûcher élevé pour lui par Cyrus. Si donc il est vrai que personne n’est heureux sinon l’homme de bien, et que tous les hommes de bien sont heureux, y a-t-il rien qu’on doive cultiver davantage que la philosophie ? et y a-t-il rien de plus divin que la vertu ?

Version grecque

PROFESSION DE FOI D’UN RICHE AMOUREUX

Ménandre,
Le Dyscolos, v. 271-313
(jusqu’à … ποήσειαν)

Corrigé proposé par le jury

Gorgias : Je crois que pour tous les hommes, dans leur bonheur comme dans leur malheur, il existe une limite à leur état et qu’un changement est possible. Pour celui qui est favorisé par le sort, les conditions de vie demeurent continuellement prospères, aussi longtemps qu’il est capable de supporter sa chance sans rien faire de mal. Mais quand il en arrive à ce point, poussé par la profusion de ses biens, alors, je pense, il éprouve une détérioration de son état (littéralement le changement en pire). Quant aux miséreux, s’ils ne font rien de mal dans l’indigence, mais supportent avec noblesse leur sort, (je pense qu’) ils en viennent avec le temps à prendre confiance (le jury a également accepté une construction différente, qui offrirait la traduction suivante : ils en viennent à faire confiance au temps) et s’attendent à ce qu’une meilleure part s’offre à eux. Pourquoi donc fais-je ce discours ? Toi-même, si tu es très bien nanti, ne va pas te fier à cet état et ne va pas en retour mépriser les pauvres que nous sommes. Montre-toi toujours digne aux yeux des autres de conserver ta bonne fortune.

Sostrate : Est-ce que je te semble avoir maintenant une conduite déplacée ?

Gorgias : Tu m’as l’air de rechercher une vilaine affaire, que tu songes à pousser une jeune fille de naissance libre à la faute ou que tu guettes une occasion favorable pour réaliser un forfait qui mérite mille morts.

Sostrate : Apollon !

Gorgias : Il n’est assurément pas juste que ce qui est pour toi un loisir soit un mal pour nous, qui n’avons pas de temps libre. De toutes les choses de ce monde, sache qu’un pauvre qui a subi une injustice est la plus bourrue. D’abord, il est pitoyable, puis il prend tous les malheurs qu’il a subis non pour de l’injustice, mais pour un outrage.

Sostrate : Jeune homme, je te souhaite du bonheur alors (littéralement « puisses-tu être heureux ! »). Écoute-moi donc un court instant.

Daos : Fort bien, maître ! Puissé-je obtenir plein de bonnes choses.

Sostrate : Toi aussi le beau parleur prête-moi attention. J’ai vu une jeune fille ici. Je suis amoureux d’elle. Si tu estimes que c’est là un crime, peut-être bien suis-je un criminel. Que pourrait-on dire alors ? Si ce n’est que je viens en ce lieu non pour elle, mais parce que je veux voir son père. Car moi, qui suis de naissance libre, avec un niveau de vie suffisant, je suis prêt à la prendre sans dot, en prêtant le serment de passer ma vie à la chérir. Si c’est pour commettre un méfait que je suis venu ici ou dans l’intention de machiner à votre insu quelque forfait, que Pan ici présent et les Nymphes avec lui me fassent perdre la raison (littéralement « me rendent stupide »), ici-même, près de cette maison.

Versions de langues vivantes

Session 2012

Rapport du jury 2012

Première composition française (Littérature française)

« La langue commune que font entendre les personnages de Lagarce procède d’un art de la simplicité qui convie le spectateur à une autre forme d’écoute, centrée sur la saisie d’une voix plutôt que sur la compréhension d’une action. » Hélène Kuntz, Colloques Lagarce, Jean-Luc Lagarce dans le mouvement dramatique, Colloque de Paris III, Sorbonne nouvelle, Les Solitaires intempestifs, 2008, p. 27.

Vous commenterez et discuterez ces propos à partir de votre approche de Juste la fin du monde et Derniers remords avant l’oubli.

Seconde composition française

« Ce n’est pas que l’écrivain sache quelque chose, mais du moins sait-il, lui, qu’il ne sait rien – ainsi que tout homme avec lui. En d’autres termes, la littérature élaborerait un savoir au second degré, une texture parodique où se joueraient et se déjoueraient toutes les connaissances acquises. Grâce au travail accompli par son ironie critique, il renverrait l’homme à son dénuement dérisoire et grotesque. »

Dans quelle mesure ce propos (Alain Vaillant : « Pouvoirs de l’ignorance » in Écrire/savoir : littérature et connaissance à l’époque moderne (dir. A. Vaillant, Éditions Printer, Saint-Étienne, 1996) éclaire-t-il votre lecture des Affinités électives de Goethe, de Mardi de Melville et de Bouvard et Pécuchet de Flaubert ?

Étude grammaticale d’un texte français antérieur à 1500

Étude grammaticale d’un texte français postérieur à 1500

Version latine

ALEXANDRE VICTIME D’UNE HYDROCUTION

Mediam (1) Cydnus amnis, de quo paulo ante dictum est, interfluit ; et tunc aestas erat, cuius calor non aliam magis quam Ciliciae oram uapore solis accendit, et diei feruidissimum tempus esse coeperat. Puluere simul ac sudore perfusum regem (2) inuitauit liquor fluminis, ut calidum adhuc corpus ablueret ; itaque, ueste deposita, in conspectu agminis, – decorum quoque futurum ratus, si ostendisset suis leui ac parabili cultu corporis se esse contentum – descendit in flumen. Vixque ingressi subito horrore artus rigere coeperunt ; pallor deinde suffusus est, et totum propemodum corpus uitalis calor liquit. Expiranti similem ministri manu excipiunt, nec satis compotem mentis in tabernaculum deferunt. Ingens sollicitudo et paene iam luctus in castris erat. Flentes querebantur in tanto impetu cursuque rerum omnis aetatis ac memoriae clarissimum regem non in acie saltem, non ab hoste deiectum, sed abluentem aqua corpus ereptum esse et extinctum : « instare Dareum (3) uictorem antequam uidisset hostem ; sibi easdem terras, quas uictoria peragrassent, repetendas : omnia aut ipsos, aut hostes populatos. Per uastas solitudines, etiam si nemo insequi uelit, euntes fame atque inopia debellari posse ». Rursus in ipsum regem misericordia uersa, illum florem iuuentae, illam uim animi, eundem regem et commilitonem diuelli a se et abrumpi inmemores sui querebantur.

Quinte-Curce,
Histoire d’Alexandre
(193 mots)

(1) mediam : comprendre mediam urbem (il s’agit de la ville de Tarse, en Cilicie). (2) regem : Alexandre, roi de Macédoine.
(3) Dareus : Darius, roi de Perse, ennemi d’Alexandre.

Corrigé proposé par le jury

Le Cydnus, dont il a été question un peu plus haut, traverse la ville en son milieu. C’était alors l’été ; nul endroit ne brûle en cette chaude saison comme le rivage de Cilicie sous l’ardeur du soleil ; et le moment de la journée où la chaleur est la plus accablante avait commencé. La limpidité de l’eau invita le roi, recouvert à la fois de poussière et de sueur, à se baigner alors que son corps était encore échauffé ; c’est pourquoi, ayant retiré ses vêtements, sous les yeux de l’armée — il pensait que ce serait aussi un bon exemple s’il montrait aux siens qu’il se contentait de prendre soin de son corps simplement et à peu de frais —, il descendit dans le fleuve. À peine fut-il entré dans l’eau qu’un frisson soudain s’empara de ses membres et qu’ils devinrent rigides ; puis la pâleur l’envahit et la chaleur de la vie abandonna son corps presque entièrement. Semblable à un mourant, ses serviteurs le recueillent dans leurs bras, et le portent à sa tente, à demi conscient. Une angoisse terrible, presque déjà un sentiment de deuil régnaient dans le camp. En larmes, ses hommes déploraient que, alors que le cours des événements se précipitait ainsi, le roi le plus illustre dont les siècles eussent gardé la mémoire leur eût été arraché, se fût éteint, non pas du moins en pleine bataille, non pas fauché par l’ennemi, mais en prenant un bain. Darius s’approchait, victorieux avant d’avoir vu son ennemi; eux, il leur faudrait regagner les mêmes terres qu’ils avaient parcourues en vainqueurs : tout avait été dévasté, soit par eux-mêmes, soit par les ennemis. En traversant ces immenses déserts, même si personne ne décidait de les poursuivre, ils pouvaient être vaincus par la faim et l’absence de ressources. Puis ils reportaient leur pitié sur le roi lui-même et, à l’idée que cette florissante jeunesse, cette force d’âme, ce roi qui était aussi leur compagnon d’armes leur était enlevé, arraché, oublieux de leur propre sort, ils se lamentaient.

Le Cydnus, dont il a été question un peu plus haut, traverse la ville en son milieu. C’était alors l’été ; nul endroit ne brûle en cette chaude saison comme le rivage de Cilicie sous l’ardeur du soleil ; et le moment de la journée où la chaleur est la plus accablante avait commencé. La limpidité de l’eau invita le roi, recouvert à la fois de poussière et de sueur, à se baigner alors que son corps était encore échauffé ; c’est pourquoi, ayant retiré ses vêtements, sous les yeux de l’armée — il pensait que ce serait aussi un bon exemple s’il montrait aux siens qu’il se contentait de prendre soin de son corps simplement et à peu de frais —, il descendit dans le fleuve. À peine fut-il entré dans l’eau qu’un frisson soudain s’empara de ses membres et qu’ils devinrent rigides ; puis la pâleur l’envahit et la chaleur de la vie abandonna son corps presque entièrement. Semblable à un mourant, ses serviteurs le recueillent dans leurs bras, et le portent à sa tente, à demi conscient. Une angoisse terrible, presque déjà un sentiment de deuil régnaient dans le camp. En larmes, ses hommes déploraient que, alors que le cours des événements se précipitait ainsi, le roi le plus illustre dont les siècles eussent gardé la mémoire leur eût été arraché, se fût éteint, non pas du moins en pleine bataille, non pas fauché par l’ennemi, mais en prenant un bain. Darius s’approchait, victorieux avant d’avoir vu son ennemi; eux, il leur faudrait regagner les mêmes terres qu’ils avaient parcourues en vainqueurs : tout avait été dévasté, soit par eux-mêmes, soit par les ennemis. En traversant ces immenses déserts, même si personne ne décidait de les poursuivre, ils pouvaient être vaincus par la faim et l’absence de ressources. Puis ils reportaient leur pitié sur le roi lui-même et, à l’idée que cette florissante jeunesse, cette force d’âme, ce roi qui était aussi leur compagnon d’armes leur était enlevé, arraché, oublieux de leur propre sort, ils se lamentaient.

Version grecque

Xénophon, 
Cyropédie, V, 1, 9-12

Versions de langues vivantes

Session 2013

Rapport du jury 2013

Première composition française (Littérature française)

« Si la plupart des lecteurs préfèrent les premiers livres, c’est que leur plaisir y est assuré par la place de choix que leur assigne l’auteur (place qui devient très inconfortable dans la seconde partie… A-t-on assez pensé que le plaisir du lecteur venait de la façon dont il était traité ?). Ce qui s’y laisse entrevoir d’apologie, d’exhibition et de disculpation mêlées, — voici mon cœur ouvert, voici mon livre ouvert, lisez et jugez-moi — n’écrase jamais alors le pur récit. »

J.-B. Pontalis, « Préface » des Confessions, éd. Folio, 1973, tome 1, p. 14-15.

Vous direz en quoi ces propos sont susceptibles d’éclairer votre lecture des Confessions de Jean-Jacques Rousseau (Livres I à VI).

Seconde composition française

« [L]’espèce enfantine n’est nullement le germe physique de l’humanité adulte : elleconstitue une race particulière, close, essentiellement autre, prestigieuse par sa différence même. Dans la mesure où elle est paradis perdu, elle postule une rupture ontologique ; c’est un univers entièrement autarcique, qui a ses lois mentales, sa parole, sa morale ; l’homme ne peut que le regarder de loin, jamais s’y introduire ; mais ce regard même le constitue en rêveur ».

Dans quelle mesure ce propos éclaire-t-il votre lecture d’Enfance berlinoise de Walter Benjamin, Enfance de Nathalie Sarraute et Autres rivages de Nabokov ?

Étude grammaticale d’un texte français antérieur à 1500

Étude grammaticale d’un texte français postérieur à 1500

Version latine

PORTRAIT DE L’AMOUR

Le poète justifie l’iconographie traditionnelle de l’amour.

Quicumque ille fuit, puerum qui pinxit Amorem,                   
       nonne putas miras hunc habuisse manus ? 
Is primum uidit sine sensu uiuere amantes 
       et leuibus curis magna perire bona. 
Idem non frustra uentosas addidit alas,                                     
       fecit et humano corde uolare deum, 
scilicet alterna quoniam iactamur in unda, 
       nostraque non ullis permanet aura locis.
Et merito hamatis manus est armata sagittis,
       et pharetra ex umero Cnosia utroque iacet,            
ante ferit quoniam tuti quam cernimus hostem,
       nec quisquam ex illo uulnere sanus abit.
In me tela manent, manet et puerilis imago ; 
       sed certe pennas perdidit ille suas,
euolat heu nostro quoniam de pectore nusquam,                   
       assiduusque meo sanguine bella gerit. 
Quid tibi iucundum est siccis habitare medullis ? 
       Si pudor est, alio traice tela tua ! 
Intactos isto satius temptare ueneno :
       non ego, sed tenuis uapulat umbra mea.                
Quam si perdideris, quis erit qui talia cantet 
       (haec mea Musa leuis gloria magna tua est), 
qui caput et digitos et lumina nigra puellae, 
       et canat ut soleant molliter ire pedes ?

Properce,
Élégies, II, 12
(161 mots)

Corrigé proposé par le jury

Celui, quel qu’il fût, qui peignit l’Amour comme un enfant, ne crois- tu pas que son geste fut admirable ? Il vit d’abord que les amants vivent privés de raison, et que pour de légers soucis, de grands biens périssent. Ce n’est pas non plus sans motif qu’il lui ajouta des ailes gonflées par le vent, et qu’il fit voler un dieu dans le cœur de l’homme : c’est qu’il est bien évident que nous sommes ballottés sur les flots en des directions contraires, et que la brise qui nous pousse ne demeure jamais en place. Et c’est à juste titre que sa main est armée de flèches crochues, et qu’un carquois de Cnossos est suspendu à ses deux épaules : c’est en effet qu’il frappe quand nous nous croyons à l’abri, avant que nous ne discernions l’ennemi, et que personne ne sort indemne de cette blessure. En moi ses traits demeurent, comme demeure son image d’enfant ; mais sans doute a-t-il perdu ses ailes : car – hélas ! – il n’est aucun lieu où il s’envole loin de mon cœur, et il est assidu à mener la guerre dans mon sang. Quel plaisir trouves- tu à habiter un cœur desséché ? Si tu as quelque vergogne, va lancer ailleurs tes traits ! Mieux vaut faire tâter ton venin à ceux que tu n’as pas encore touchés : ce n’est pas moi que tu fustiges, seulement l’ombre ténue qui reste de moi. Si tu causes sa perte, qui y aura-t-il pour continuer à chanter comme je le fais (cette muse légère que je cultive fait ta grande gloire), pour chanter la tête, les doigts et les yeux noirs de ma mie, et la douceur de son pas ?

Version grecque

Aristophane, 
Les Grenouilles, v. 120-153

Versions de langues vivantes

Session 2014

Rapport du jury 2014

Première composition française (Littérature française)

« Est-ce un paradoxe de prétendre qu’une telle poésie, la plus personnelle qui soit puisque rien n’y surgit sans une expérience directe, exclusive d’aucun thème conceptuel, est aussi la plus impersonnelle, au dire même et de par la volonté du poète ? »

Pierre Emmanuel, « Le Je universel dans l’œuvre d’Éluard », 1946, repris dans Le monde est intérieur, Paris, Seuil, 1967, p. 144.

Vous analyserez et discuterez ce propos. En quoi éclaire-t-il votre lecture de Capitale de la douleur, de Paul Éluard ?

Seconde composition française

« Heureusement, l’aventure est plus comique que dangereuse », déclare un personnage de La Colonie de Marivaux à propos de la prise du pouvoir par les femmes.

Dans quelle mesure ce propos éclaire-t-il votre lecture de Lysistrata d’Aristophane, Comme il vous plaira de Shakespeare, L’École des femmes et La Critique de L’École des femmes de Molière, ainsi que La Locandiera de Goldoni ?

Étude grammaticale d’un texte français antérieur à 1500

Étude grammaticale d’un texte français postérieur à 1500

Version latine

CRIME PASSIONNEL

À Rome, en l’année 58 de notre ère, sous le règne de Néron. Voici le récit que Tacite nous fait de l’affaire Sagitta, qui défraya en son temps la chronique judiciaire

Per idem tempus, Octauius Sagitta, plebei tribunus, Pontiae mulieris nuptae amore uaecors, ingentibus donis adulterium et mox ut omitteret maritum emercatur, suum matrimonium promittens ac nuptias eius pactus. Sed, ubi mulier uacua fuit, nectere moras, aduersam patris uoluntatem causari repertaque spe ditioris coniugis promissa exuere. Octauius contra modo conqueri, modo minitari, famam perditam, pecuniam exhaustam obtestans, denique salutem, quae sola reliqua esset, arbitrio eius permittens. Ac, postquam spernebatur, noctem unam ad solacium poscit, qua delenitus modum in posterum adhiberet. Statuitur nox et Pontia consciae ancillae custodiam cubiculi mandat. Ille uno cum liberto ferrum ueste occultum infert. Tum, ut adsolet in amore et ira, iurgia, preces, exprobratio, satisfactio, et pars tenebrarum libidini seposita. Ea quasi incensus, nihil metuentem ferro transuerberat et accurrentem ancillam uulnere absterret cubiculoque prorumpit. Postera die, manifesta caedes, haud ambiguus percussor : quippe mansitasse una conuincebatur. Sed libertus suum illud facinus profiteri, se patroni iniurias ultum esse ; commoueratque quosdam magnitudine exempli, donec ancilla ex uulnere refecta uerum aperuit. Postulatusque apud consules a patre interfectae, postquam tribunatu abierat (1), sententia patrum et lege de sicariis condemnatur.

Tacite, 
Annales, XIII, 44
(175 mots)

(1) On ne pouvait faire passer un magistrat en jugement qu’à l’expiration de sa charge. 

Corrigé proposé par le jury

À la même époque, le tribun de la plèbe Octavius Sagitta, fou d’amour pour Pontia, une femme mariée, au prix de somptueux présents, la pousse à l’adultère et, bientôt, à quitter son mari, en lui promettant le mariage et après en avoir obtenu son consentement. Mais la femme, dès qu’elle fut libre, d’enchaîner les délais, de prétexter l’opposition de son père, et dans l’espoir recouvré d’un plus riche parti, de se dégager de ses promesses. Octavius, en réponse, tantôt de se lamenter, tantôt de menacer, invoquant son honneur bafoué, sa fortune dilapidée, remettant finalement son salut – le seul bien qui lui restait – entre ses mains. Et, comme on le repoussait, il demande en consolation une nuit, une seule, pour s’apaiser et se réfréner à l’avenir. On décide d’une nuit et Pontia confie à une servante dans le secret la garde de sa chambre. Lui, accompagné d’un seul affranchi, y introduit une arme, dissimulée sous ses vêtements. Alors, comme d’habitude dans l’amour et la colère, s’ensuivirent querelles, prières, récriminations, justifications et l’on réserva à la passion une partie des ténèbres. Comme embrasé par la passion, il transperce de son arme la femme sans méfiance, se débarrasse, en la blessant, de la servante qui accourt et se précipite hors de la chambre. Le lendemain, découverte du meurtre, sans aucun doute possible sur l’identité de l’agresseur : il était de fait prouvé qu’il avait souvent passé du temps en sa compagnie. Mais l’affranchi de déclarer que le crime était son œuvre, qu’il avait vengé les torts faits à son patron, et il en avait déjà bouleversé certains par la grandeur de son exemple, quand la servante, remise de sa blessure, révéla la vérité. Traduit en justice devant les consuls par le père de la victime au sortir du tribunat, il est condamné par un jugement des Pères, en vertu de la loi sur l’assassinat.

Version grecque

UNE ÎLE ENCHANTÉE ?

Arrien, 
L’Inde, XXXI, 1-8

Corrigé proposé par le jury

Tandis qu’ils longeaient le pays des Ichtyophages, ils entendent parler d’une île située à une distance de cent stades environ de cette terre, et vide d’habitants. Les indigènes racontaient qu’elle était consacrée au Soleil, qu’on l’appelait Nosala et qu’aucun homme ne voulait y aborder ; quiconque, par ignorance, y accostait disparaissait. Néarque raconte d’ailleurs qu’un vaisseau léger pourvu d’un équipage d’Égyptiens disparut non loin de cette île et que les chefs de l’expédition affirmaient que c’était bien pour avoir abordé l’île par mégarde qu’ils avaient disparu. Néarque envoie alors un navire de trente rameurs reconnaître les alentours de l’île avec ordre de ne pas y accoster mais que l’équipage pousse des cris en la longeant au plus près possible et appelle par son nom le capitaine ainsi que tout autre dont ils connaissaient le nom. Mais comme personne ne répondait, il dit qu’il s’embarqua alors lui-même pour l’île, qu’il contraint les marins, qui s’y refusaient, à accoster, et qu’il débarqua en personne démontrant ainsi que ce qu’on racontait sur l’île n’était qu’une vaine fable. Il entendit rapporter en outre une autre histoire encore au sujet de cette île : l’une des Néréides, dont on ne donnait pas le nom, l’avait habitée ; quiconque s’approchait de l’île, elle en faisait son amant, puis après l’avoir, d’homme, transformé en poisson, elle le rejetait à la mer. Le Soleil, importuné par la Néréide, lui ordonna de quitter l’île : celle-ci consentit à partir et le pria de faire cesser le sortilège, ce qu’accepta le Soleil ; alors par pitié pour ceux qu’elle avait d’hommes transformé en poissons, de poissons qu’ils étaient il en fit à nouveau des hommes, et c’est d’eux qu’est descendue la race des Ichtyophages qu’on connaissait encore du temps d’Alexandre.

Versions de langues vivantes

Session 2015

Rapport du jury 2015

Première composition française (Littérature française)

« Corneille est ainsi le poète de la vision éblouie – vision dont la pleine capacité est heureusement comblée de lumière. Loin d’être trompeur, cet éblouissement consacre l’essence de la valeur vraie des êtres admirables. L’œil ébloui est le témoin d’une grandeur insurpassée, à l’extrême limite de la clarté soutenable. Au-delà, l’éblouissement deviendrait un trouble, mais Corneille ne va pas au-delà ».

Jean Starobinski, L’Œil vivant, Paris, Gallimard, 1961, p. 71-72.

Vous commenterez et discuterez ces propos. Dans quelle mesure éclairent-ils votre lecture personnelle de Cinna et de Polyeucte ?

Seconde composition française

« C’est ainsi que finit le monde / Pas sur un boum, sur un murmure. »

Dans quelle mesure ces deux derniers vers des « Hommes creux », poème de T.S. Eliot paru en 1925, éclairent-ils votre lecture du Temps retrouvé de Proust, de La Marche de Radetzky de Roth et du Guépard de Lampedusa ?

Étude grammaticale d’un texte français antérieur à 1500

Étude grammaticale d’un texte français postérieur à 1500

Version latine

LA MASCOTTE DU RÉGIMENT

Quelque part en Hispanie, dans les années 80 avant notre ère. Soldat d’exception, organisateur né, le général romain Sertorius était un meneur d’hommes, qu’il n’hésitait pas à manipuler pour parvenir à ses fins. En voici un exemple demeuré célèbre, qui contribua à faire de lui un héros de légende.

Sertorius, uir acer egregiusque dux et utendi regendique exercitus peritus fuit. Is in temporibus difficillimis et mentiebatur ad milites, si mendacium prodesset, et litteras compositas pro ueris legebat et sornnium simulabat et falsas religiones conferebat, si quid istae res eum apud militum animos adiutabant. Illud adeo Sertorii nobile est : cerna alba eximiae pulchritudinis et uiuacissimae celeritatis a Lusitano ei quodam dono data est. Hanc sibi oblatam diuinitus et instinctam Dianae numine conloqui secum monereque et docere quae utilia factu essent persuadere omnibus instituit ac, si quid durius uidebatur quod imperandum militibus foret, a cerna esse monitum praedicabat. Id cum dixerat, uniuersi tamquam si deo libentes parebant. Ea cerna quodam die, cum incursio esset hostium nuntiata, festinatione ac tumultu constemata in fugam se prornpit atque in palude proxima delituit et postea requisita perisse creditast (1). Neque multis diebus post inuentam esse cernam Sertorio nuntiatur. Tum qui (2) nuntiauerat iussit tacere ac ne cui palam diceret interminatus est praecepitque ut eam postera die repente in eum locum in quo ipse cum amicis esset inmitteret. Admissis deinde amicis postridie uisum sibi esse ait in quiete cernam quae perisset ad se reuerti et, ut prius consuerat, quod opus esset facto praedicere ; tum serno quod imperauerat significat, cerna emissa in cubiculum Sertorii intrornpit, clamor factus et orta admiratio est.

Aulu-Gelle, 
Les Nuits attiques, XV, 22
(212 mots)

(1) Creditast = credita est.
(2) Tum qui = tum eum qui.

Corrigé proposé par le jury

Sertorius était un esprit affûté et un chef d’élite, également expert en manipulation et en gestion de l’armée. Ce dernier, dans les moments les plus critiques, mentait à ses troupes, si le mensonge pouvait s’avérer utile, lisait comme authentiques des lettres de son invention, feignait d’avoir eu un rêve prémonitoire et rapportait de fausses croyances, si ces ruses lui donnaient quelque emprise sur le moral des troupes. Voici d’ailleurs un stratagème célèbre de Sertorius : un Lusitanien lui fit don d’une biche blanche d’une rare beauté et d’une exceptionnelle vitesse. Il entreprit de persuader tout le monde que cette biche lui avait été offerte par les dieux et que, sous l’inspiration de la puissance céleste de Diane, elle s’entretenait avec lui, le conseillait et l’instruisait de ce qu’il était utile de faire ; de plus, si un ordre à donner aux troupes paraissait trop dur, il proclamait que cela avait été conseillé par la biche. À peine le disait-il que tous lui obéissaient de bon cœur, comme à un dieu. Un jour qu’on avait annoncé une incursion ennemie, la biche en question, effarouchée par le tumulte et l’effervescence, prit brusquement la fuite et se réfugia dans un marais tout proche ; après l’avoir en vain recherchée, on la crut morte. Or voici que, quelques jours plus tard, on annonce à Sertorius que la biche a été retrouvée. Il ordonna alors à l’homme qui lui avait annoncé la nouvelle de garder le silence, lui interdit formellement d’en parler ouvertement à quiconque et lui donna pour mission de lâcher subitement la bête le lendemain à l’endroit où il se trouverait lui-même en compagnie de ses alliés. Puis, le lendemain, après y avoir fait entrer ses alliés, il déclare avoir vu en songe la biche qui était morte lui revenir et lui dicter, comme elle en avait eu auparavant l’habitude, ce qu’il était besoin de faire ; il fait alors signe à l’esclave d’exécuter l’ordre qu’il lui avait donné : une fois relâchée, la biche bondit dans les quartiers de Sertorius et il s’éleva un grand cri d’émerveillement.

Version grecque

DISCOURS CONTRE LE SUICIDE

Flavius Josèphe, 
La Guerre des Juifs, III, 361-369

Corrigé proposé par le jury

Craignant l’irruption (des Romains), et estimant que ce serait une trahison des préceptes de Dieu s’il devait mourir avant de les avoir divulgués, il commença à les raisonner, contraint qu’il était. Pourquoi, compagnons, une telle soif de notre propre sang ? Pourquoi cherchons-nous à désunir ce qu’il y a de plus proche, le corps et l’âme ? J’ai changé, dit-on ; mais les Romains le savent bien ! Il est beau de mourir à la guerre ; mais quand on suit l’usage de la guerre, c’est-à-dire quand on tombe sous les coups des vainqueurs. Si je m’écarte du fer des Romains, je suis en vérité passible de mon glaive et de mon bras ; mais si ce sont eux qui épargnent un ennemi, combien ne serait-il pas plus juste que nous nous épargnions nous-mêmes ? De fait, il serait stupide de nous faire cela à nous- mêmes, alors que c’est pour cela que nous nous opposons à eux ! Oui, il est beau de mourir au nom de la liberté ; je l’affirme, moi aussi, mais quand on combat, et lorsqu’on tombe sous les coups de ceux qui veulent l’abolir. Or, à cette heure, ils ne viennent pas nous combattre ni pour nous ôter la vie ; lâche est celui qui ne veut pas mourir quand il faut, mais lâche tout autant celui qui le veut quand il ne le faut pas. Quelle crainte supplémentaire nous empêche d’aller trouver les Romains ? Serait-ce celle de la mort ? Alors, celle que nous craignons, en pensant que les ennemis peuvent nous l’infliger, nous allons nous la donner de manière certaine ? Alors, l’esclavage, dira-t-on. Certainement, nous sommes parfaitement libres ! Oui, il est noble de s’ôter la vie, dira-t-on. Non pas, c’est au contraire l’acte le plus dépourvu de noblesse qui soit, comme est le plus lâche au monde, à mon avis, le pilote qui, craignant le mauvais temps, saborde de lui-même son navire avant la tempête. D’autre part, le suicide n’est pas seulement une chose étrangère à la nature universelle de tous les êtres vivants, il est aussi, à l’égard du Dieu qui nous a créés, une impiété.

Versions de langues vivantes

Session 2016

Rapport du jury 2016

Première composition française (Littérature française)

Réfléchissant au traitement de l’amour chez Ronsard, Michel Jeanneret écrit que ce poète « éprouve la dilatation et la dispersion du moi comme l’occasion, ludique ou joyeuse, d’explorer différents modes d’être. Le bien n’est pas dans la concentration, mais dans la dissémination et l’ouverture. Alors que le mouvement ordinaire, dans l’amour, est de chercher l’union, la tendance, ici, est au contraire de démultiplier l’un et de le projeter vers d’autres vies. Les priorités s’en trouveraient presque renversées : au lieu que la métamorphose soit au service de l’amour, l’amour sert de prétexte à la métamorphose ».

Michel Jeanneret, Perpetuum mobile, Macula, Argo.

Dans quelle mesure ces propos éclairent-ils votre lecture des Amours de 1553, de Ronsard ?

Seconde composition française

À propos de l’Autriche de la fin du XIXe siècle, Stefan Zweig écrit, dans Le Monde d’hier, en 1944 :

« Maintenant que le grand orage l’a depuis longtemps fracassé, nous savons de science certaine que ce monde de la sécurité n’était qu’un château de nuées. Pourtant, mes parents l’ont habité comme une maison de pierre. »

Quel éclairage ce propos jette-t-il sur les trois « romans de la fin d’un monde » qui figurent à votre programme ?

Étude grammaticale d’un texte français antérieur à 1500

Étude grammaticale d’un texte français postérieur à 1500

Version latine

AFFRES DE LA JALOUSIE

Hercule revient victorieux auprès de son épouse Déjanire, mais il aurait une nouvelle amante…

Victor ab Oechalia Cenaeo sacra parabat
uota Ioui, cum fama loquax praecessit ad aures,
Deianira, tuas, quae ueris addere falsa
gaudet, et e minimo sua per mendacia crescit,
Amphitryoniaden (1) Ioles ardore teneri.
Credit amans uenerisque nouae perterrita fama
indulsit primo lacrimis flendoque dolorem
diffudit miseranda suum ; mox deinde : « Quid autem
flemus ? » ait « paelex lacrimis laetabitur istis.
Quae quoniam adueniet, properandum aliquidque nouandum est,
dum licet, et nondum thalamos tenet altera nostros.
Conquerar an sileam? Repetam Calydona (2), morerne ?
Excedam tectis an, si nihil amplius, obstem?
Quid si me, Meleagre (3), tuam memor esse sororem
forte paro facinus, quantumque iniuria possit
femineusque dolor, iugulata paelice testor ? »
In cursus animus uarios abit ; omnibus illis
praetulit imbutam Nesseo sanguine uestem
mittere, quae uires defecto reddat amori ;
ignaroque Lichae (4), quid tradat nescia, luctus
ipsa suos tradit blandisque miserrima uerbis
dona det illa uiro mandat ; capit inscius heros
induiturque umeris Lemaeae uirus echidnae (5).
Tura dabat primis et uerba precantia flammis
uinaque marmoreas patera fundebat in aras ;
incaluit uis illa mali resolutaque flammis
Herculeos abiit late dilapsa per artus.

Ovide,
Les Métamorphoses, IX, v. 136-162
(171 mots)

(1) Amphitryoniaden est un accusatif de forme grecque.
(2) Calydona est également un accusatif de forme grecque.
(3) Méléagre est le frère de Déjanire. Il a tué ses oncles par vengeance.
(4) Lichas est un compagnon d’Hercule.
(5) Hercule a tué le centaure Nessus, qui tentait d’abuser de Déjanire, grâce à des flèches enduites du poison de
l’hydre de Lerne.

Corrigé proposé par le jury

Revenu, vainqueur, d’Œchalie, il préparait les sacrifices promis à Jupiter de Cenaeum lorsque parvint, la première, à tes oreilles, Déjanire, la rumeur bavarde, qui se plaît à ajouter le mensonge à la vérité et qui, d’infime, grandit sous l’effet de ses propres mensonges : le fils d’Amphitryon était sous l’emprise d’une ardente passion envers Iole. Comme elle l’aime, elle le croit et, terrifiée par la rumeur d’une nouvelle passion, elle s’abandonna d’abord à ses larmes et, en pleurant, donna libre cours à son chagrin, la malheureuse ! Peu après : « Pourquoi pleurons-nous ?, dit-elle, ma rivale se réjouira de ces larmes. Or, puisqu’elle va arriver, il faut rapidement trouver une solution, tant que cela est possible et que l’autre n’occupe pas encore notre couche. Faut-il me plaindre ou demeurer silencieuse ? Regagner Calydon ou rester ici ? Quitter mon toit ou, si je ne peux rien de plus, faire front ? Qu’en sera-t-il, Méléagre, si, me souvenant que je suis ta soeur, je prépare un courageux forfait et que je montre tout ce que peut la douleur d’une femme offensée, en égorgeant ma rivale ? » Son esprit s’engage dans des directions diverses ; elle préféra à toutes celles-là envoyer une tunique imprégnée du sang de Nessus pour rendre des forces à un amour affaibli ; et, sans savoir ce qu’elle confie, à Lichas, qui l’ignore aussi, elle confie elle-même ce qui causera son désespoir, et, pour son plus grand malheur, elle le charge, par des paroles caressantes, de donner ce présent à son mari ; le héros le reçoit, inconscient du danger, et, sur ses épaules, revêt le poison de l’hydre de Lerne Aux premières flammes, il présentait de l’encens et des paroles de prières et, à l’aide d’une patère, répandait du vin sur les autels de marbre ; la terrible puissance du mal s’échauffa et, libérée par les flammes, en se dispersant largement, pénétra à travers les membres d’Hercule.

Version grecque

Platon, 
Lysis, 207d5 – 208c6 
(à partir de  Ἐγὼ δὲ τὸν Λύσιν ἠρόμην·… jusqu’à … ὑπὸ δούλου ἄρχεσθαι)

Corrigé proposé par le jury

J’interrogeai Lysis : “Je suppose, Lysis, dis-je, que ton père et ta mère t’aiment beaucoup ? – Oui tout à fait, répondit-il. – Ils voudraient donc que tu sois le plus heureux possible ? – Comment non ? – Et à ton avis, pourrait-il être heureux l’homme qui vivrait en esclavage et à qui ne serait permis de rien faire de ce qu’il désirerait ? – Par Zeus non, je ne crois pas, dit-il. – Ainsi donc, si ton père et ta mère t’aiment et désirent que tu sois heureux, il est évident qu’ils mettent tout en œuvre sans se ménager pour que tu puisses être heureux ? – Comment pourrait-il en être autrement ? dit-il. – Ils te laissent donc faire ce que tu veux, sans rien te reprocher ni t’empêcher de faire ce que tu désires ? – Par Zeus ! non, Socrate, il y a même bien des choses qu’ils m’interdisent. – Que dis-tu ? repris-je. Ils veulent ton bonheur et t’empêchent de faire ce que tu veux ? Alors, dis-moi : si tu désires monter sur l’un des chars de course de ton père et en prendre les rênes un jour de concours, ils ne te le permettraient pas et te l’interdiraient ? – Non bien sûr, par Zeus, ils ne le permettraient pas, répondit-il. – Mais à qui alors ? – Il y a un cocher, qui est payé par mon père. – Que dis-tu ? C’est un employé plutôt que toi qu’ils chargent de faire ce qu’il veut avec les chevaux, et en plus ils lui versent même de l’argent pour le faire ? – Eh bien, qu’y a-t-il donc ? dit-il. – Mais l’attelage de mulets, je suppose, ils t’en confient la conduite, et si tu voulais prendre le fouet pour les frapper, ils te laisseraient faire ? – Comment, dit-il, le pourraient-ils ? – Quoi donc ? dis-je, il n’est permis à personne de les frapper ? – Si bien sûr, dit-il, au muletier. – C’est un esclave ou un homme libre ? – Un esclave, dit-il. – Ainsi donc d’un esclave, selon toute apparence, ils font plus grand cas que de toi, leur fils : ils lui confient leurs biens plutôt qu’à toi et lui laissent faire ce qu’il veut tandis qu’ils t’en empêchent ? Et dis- moi encore ceci : te laissent-ils te gouverner toi-même, ou pas même là ils ne s’en remettent à toi ? – Comment donc, dit-il, m’en charger ? – Alors quelqu’un te gouverne ? – Lui, mon pédagogue, dit-il. – N’est-ce pas un esclave ? – Eh bien quoi donc ? Oui, c’est un des nôtres, dit-il. – Il est étonnant, repris- je, qu’un homme libre soit gouverné par un esclave.”

Versions de langues vivantes

Session 2017

Rapport du jury 2017

Première composition française (Littérature française)

« Cette sinueuse et souple démarche qui nous impose, sans ostentation, de passer du plus noir réalisme à la plus rêveuse poésie, n’est-ce pas une marque de maîtrise analogue, dans le domaine de l’écriture, à ce que celle-ci, dans ce roman, nous propose à rêver : la souveraineté presque onirique, l’amère et inimitable liberté des âmes fortes ? »

(Robert Ricatte, notice de présentation des Âmes fortes, édition des Œuvres romanesques complètes de Jean Giono dans la Bibliothèque de la Pléiade, t. V, p. 1042-1043)

Dans quelle mesure ces propos éclairent-ils votre lecture des Âmes fortes, de Jean Giono ?

Seconde composition française

« Le mot même d’“essai” déroute l’horizon d’attente du lecteur. Bien qu’il soit lié à l’autorité et à l’authenticité d’un auteur qui parle en son propre nom, il ne l’en désinvestit pas moins de toute responsabilité à l’égard d’un texte qui n’est après tout qu’une “mise à l’essai” et n’est pas sans renvoyer, en un sens, au “comme si” de la fiction. »

(Claire de Obaldia, L’esprit de l’essai. De Montaigne à Borges, Seuil, 2005)

Dans quelle mesure ce propos éclaire-t-il votre lecture des trois œuvres du programme « Inspirations méditerranéennes » ?

Étude grammaticale d’un texte français antérieur à 1500

Étude grammaticale d’un texte français postérieur à 1500

Version latine

UNE RECRUE DE CHARME

Comitiis habitis, consules declarantur M. Tullius et C. Antonius ; quod factum primo popularis (1) coniurationis concusserat. Neque tamen Catilinae (2) furor minuebatur, sed in dies plura agitare, arma per Italiam locis opportunis parare, pecuniam sua aut amicorum fide sumptam mutuam Faesulas ad Manlium quemdam portare, qui postea princeps fuit belli faciundi (3). Ea tempestate plurimos cuiusque generis homines adsciuisse sibi dicitur, mulieres etiam aliquot, quae primo ingentis sumptus stupro corporis tolerauerant, post, ubi aetas tantummodo quaestui neque luxuriae modum fecerat, aes alienum grande conflauerant. Per eas se Catilina credebat posse seruitia urbana sollicitare, urbem incendere, uiros earum uel adiungere sibi, uel interficere.

Sed in eis erat Sempronia, quae multa saepe uirilis audaciae facinora commiserat. Haec mulier genere atque forma, praeterea uiro atque liberis satis fortunata fuit ; litteris Graecis et Latinis docta, psallere, saltare elegantius quam necesse est probae, multa alia, quae instrumenta luxuriae sunt. Sed ei cariora semper omnia quam decus atque pudicitia fuit ; pecuniae an famae minus parceret haud facile discerneres ; lubido (4) sic accensa ut saepius peteret uiros quam peteretur. Sed ea saepe antehac fidem prodiderat, creditum abiurauerat, caedis conscia fuerat, luxuria atque inopia praeceps abierat. Verum ingenium eius haud absurdum : posse uersus facere, iocum mouere, sermone uti uel modesto, uel molli, uel procaci ; prorsus multae facetiae multusque lepos inerat.

Salluste,
La Conjuration de Catilina, 24-25
(208 mots)

(1) popularis = populares.
(2) Catilina vient d’être battu aux élections.
(3) faciundi = faciendi.
(4) lubido = libido.

Corrigé proposé par le jury

À l’issue de la tenue des comices, sont proclamés consuls Marcus Tullius et Caius Antonius – événement qui avait, dans un premier temps, ébranlé les complices de la conjuration. Et pourtant, l’effervescence de Catilina ne retombait pas, mais il se mit, de jour en jour, à redoubler d’activité, à entreposer des armes à travers l’Italie aux points stratégiques, à transporter des fonds qu’il avait empruntés sur sa garantie personnelle ou celle de ses amis à Fésules, chez un certain Manlius, qui fut par la suite le premier à se mettre en guerre. C’est à l’époque qu’il s’associa en masse, dit-on, des individus de tout acabit, quelques femmes, même, qui avaient d’abord subvenu par la prostitution à leurs dépenses exorbitantes, puis, quand l’âge eut mis un frein à leur trafic seulement, mais non à leur vie de plaisirs, avaient accumulé d’énormes dettes. Par leur entremise, Catilina croyait pouvoir ameuter les valetailles citadines, incendier la cité, ou s’adjoindre leurs maris, ou les assassiner.

Mais, parmi elles, il y avait Sempronia, qui avait commis bien des crimes d’une audace souvent virile. Cette femme, par sa naissance et sa beauté, outre son mari et ses enfants, était plutôt bien lotie ; elle était experte en littératures grecque et latine, à jouer de la cithare, à danser plus élégamment qu’il n’est de mise pour une honnête femme, en bien d’autres arts, qui sont les instruments d’une vie de plaisirs. Mais tout lui était toujours plus précieux que ne l’était son honneur, et sa vertu ; de sa fortune ou de sa réputation, on eût difficilement démêlé ce qu’elle ménageait le moins ; sa sensualité était si ardente qu’elle sollicitait plus souvent les hommes qu’elle n’en était sollicitée. Mais la dame en question avait souvent, par le passé, trahi sa parole, avait nié une dette par un faux serment, avait été complice de meurtre, avait, par suite de sa vie de plaisirs et de son endettement, fait faillite. À vrai dire, elle ne manquait pas d’esprit d’à-propos : elle savait tourner les vers, manier la plaisanterie, tenir une conversation ou modeste, ou sensuelle, ou provocante ; en un mot, il y avait en elle bien de la finesse et bien du charme.

Version grecque

Αἰσχρόν ἐστι τῷ ἀνθρώπῳ ἄρχεσθαι καὶ καταλήγειν ὅπου καὶ τὰ ἄλογα, ἀλλὰ μᾶλλον ἔνθεν μὲν ἄρχεσθαι, καταλήγειν δὲ ἐφ’ ὃ κατέληξεν ἐφ’ ἡμῶν καὶ ἡ φύσις. Kατέληξεν δ’ ἐπὶ θεωρίαν καὶ παρακολούθησιν καὶ σύμφωνον διεξαγωγὴν τῇ φύσει. Ὁρᾶτε οὖν μὴ ἀθέατοι τούτων ἀποθάνητε. Ἀλλ’ εἰς Ὀλυμπίαν μὲν ἀποδημεῖτε ἵν’ ἴδητε τὸ ἔργον τοῦ Φειδίου, καὶ ἀτύχημα ἕκαστος ὑμῶν οἴεται τὸ ἀνιστόρητος τούτων ἀποθανεῖν· ὅπου δ’ οὐδ’ ἀποδημῆσαι χρεία ἐστίν, ἀλλ’ ἐστὲ ἤδη καὶ πάρεστε τοῖς ἔργοις, ταῦτα δὲ θεάσασθαι καὶ κατανοῆσαι οὐκ ἐπιθυμήσετε ; οὐκ αἰσθήσεσθε τοίνυν οὔτε τίνες ἐστὲ οὔτ’ ἐπὶ τί γεγόνατε, οὔτε τί τοῦτό ἐστιν ἐφ’ ὃ τὴν θέαν παρείληφθε ;
— Ἀλλὰ γίνεταί τινα ἀηδῆ καὶ χαλεπὰ ἐν τῷ βίῳ.
—Ἐν Ὀλυμπίᾳ δ’ οὐ γίνεται ; οὐ καυματίζεσθε ; οὐ στενοχωρεῖσθε ; οὐ κακῶς λούεσθε ; οὐ καταβρέχεσθε, ὅταν βρέχῃ ; θορύβου δὲ καὶ βοῆς καὶ τῶν ἄλλων χαλεπῶν οὐκ ἀπολαύετε ; ἀλλ’ οἶμαι ὅτι ταῦτα πάντα ἀντιτιθέντες πρὸς τὸ ἀξιόλογον τῆς θέας φέρετε καὶ ἀνέχεσθε. Ἄγε δυνάμεις δ’ οὐκ εἰλήφατε καθ’ ἃς οἴσετε πᾶν τὸ συμβαῖνον ; μεγαλοψυχίαν οὐκ εἰλήφατε ; ἀνδρείαν οὐκ εἰλήφατε ; καρτερίαν οὐκ εἰλήφατε ; καὶ τί ἔτι μοι μέλει μεγαλοψύχῳ ὄντι τῶν ἀποβῆναι δυναμένων ; τί μ’ ἐκστήσει ἢ ταράξει ἢ τί ὀδυνηρὸν φανεῖται ; οὐ χρήσομαι τῇ δυνάμει πρὸς ἃ εἴληφα αὐτήν, ἀλλ’ ἐπὶ τοῖς ἀποβαίνουσιν πενθήσω καὶ στενάξω ;
— Ναί· ἀλλ’αἱ μύξαι μου ῥέουσιν.
— Τίνος οὖν ἓνεκα χεῖρας ἔχεις ἀνδάποδον ; οὐχ ἵνα καὶ ἀπομύσῃς.
— Τοῦτο οὖν εὔλογον, μύξας γίνεσθαι ἀν τῷ κόσμῳ ;
— Καὶ πόσῳ κρεῖττον ἀπομύξασθαί σε ἢ ἐγκαλεῖν ;

Épictète, 
Entretiens, I, 6, « De la providence », 20-32 

Corrigé proposé par le jury

Il est honteux pour l’homme de commencer et d’aboutir là où le font les animaux privés de raison : il lui faut plutôt commencer là où ils commencent et finir là où aboutit notre nature. Or elle aboutit à la contemplation, à l’attention, à un mode de vie en harmonie avec la nature. Veillez donc à ne pas mourir sans avoir contemplé tout cela. Allons, vous voyagez bien à Olympie pour voir les œuvres de Phidias, et chacun parmi vous juge que ce serait un malheur de mourir sans les avoir connues ; or quand il n’est pas même besoin de voyager mais que vous êtes déjà sur place, en présence des œuvres, n’aurez-vous pas le désir de les contempler et de les comprendre ? Ne percevrez-vous pas qui vous êtes, ni en vue de quoi vous êtes nés, ni la raison pour laquelle vous avez reçu la faculté de contemplation ?
— Mais il y a bien des désagréments et des difficultés dans la vie…
— Et à Olympie, n’y en a-t-il pas ? N’y êtes-vous pas brûlés par la chaleur ? Pressés par la foule ? Mal lavés ? N’y êtes-vous pas trempés quand il pleut ? N’y souffrez-vous pas du tumulte, des cris et d’autres ennuis ? Mais je crois qu’en mettant tout cela en balance avec la grandeur du spectacle, vous l’acceptez et le supportez. Allons, n’avez-vous pas reçu des facultés grâce auxquelles vous pouvez supporter tout ce qui arrive ? n’avez-vous pas reçu de la grandeur d’âme ? n’avez-vous pas reçu du courage ? n’avez-vous pas reçu de la patience ? Et si j’ai la grandeur d’âme, que m’importe alors ce qui peut arriver ? Qu’est-ce qui pourra me mettre hors de moi, me troubler, m’apparaître douloureux ? N’userai-je pas de ma faculté pour ce en vue de quoi je l’ai reçue ? Non, au lieu de cela je vais pleurer et gémir ?
— Oui, mais j’ai le nez qui coule…
— Et pourquoi donc as-tu des mains, esclave ? N’est-ce pas pour te moucher.
— Est-il donc raisonnable qu’il y ait ainsi dans le monde de la morve au nez ?
— Et ne vaut-il pas mieux se moucher que récriminer ?

Versions de langues vivantes

Session 2018

Rapport du jury 2018

Première composition française (Littérature française)

« Dans un récit plus ou moins tiré des ‘romans de prouesses’, donc sans grande invention thématique ou structurelle, la parole doit s’afficher première : livrée à l’état brut, elle transcende les données médiocres du roman. Le cadre gigantal n’est là que pour servir de tremplin au gigantisme verbal. L’énormité des balourdises et des loufoqueries dispose le lecteur à accepter toutes les outrances de la parole. On s’achemine progressivement d’une intrigue fabuleuse aux fabulations d’un langage. Le roman est autre chose qu’une galerie de tableaux grotesques. La véritable intrigue, il faut la chercher dans un concours de voix désaccordées qui s’enivrent de verbe. »

(François Rigolot, Les Langages de Rabelais, Genève, Droz, [1972], 1996, p. 34)

Dans quelle mesure ces propos éclairent-ils votre lecture de Gargantua ?

Seconde composition française

« Il me semble que la musique des événements participera à la musique du poème et qu’il existera toujours une tension mesurée entre le besoin d’une poésie qui exprime les impuretés de la vie et le besoin d’une poésie qui se souvienne qu’elle s’efforce d’être pur langage. »

(Seamus Heaney, « Current Unstated Assumptions about Poetry », Critical Inquiry, 7 : 4 (été 1981), p. 650, traduit par Franck Miroux, « Heaney à l’écoute de l’Est : Nouveaux horizons critiques », Revue LISA/LISA e-journal, vol. XII-n° 4/2014)

Dans quelle mesure ce propos éclaire-t-il votre lecture des trois œuvres du programme « Formes de l’action poétique » ?

Étude grammaticale d’un texte français antérieur à 1500

Étude grammaticale d’un texte français postérieur à 1500

Version latine

Après des épisodes belliqueux, les habitants de Crotone changent leur manière de vivre. 

Post haec Crotoniensibus nulla uirtutis exercitatio, nulla armorum cura fuit. Oderant enim quae infeliciter sumpserant mutassentque uitam luxuria, ni Pythagoras philosophus fuisset. Hic Sami Demarato, locuplete negotiatore, patre natus magnisque sapientiae incrementis formatus Aegyptum primo, mox Babyloniam ad perdiscendos siderum motus originemque mundi spectandam profectus summam scientiam consecutus erat. Inde regressus Cretam et Lacedaemona (1) ad cognoscendas Minois (2) et Lycurgi inclitas ea tempestate leges contenderat. Quibus omnibus instructus Crotonam uenit populumque in luxuriam lapsum auctoritate sua ad usum frugalitatis reuocauit. Laudabat cotidie uirtutem et uitia luxuriae casumque ciuitatium ea peste perditarum enumerabat tantumque studium ad frugalitatem multitudinis prouocauit ut aliquos ex his luxuriatos ad optimam frugem conuersos fuisse incredibile uideretur. Matronarum quoque separatam a uiris doctrinam et puerorum a parentibus frequenter habuit. Docebat nunc has pudicitiam et obsequia in uiros, nunc illos modestiam et litterarum studium. Inter haec uelut genetricem uirtutum frugalitatem omnibus ingerebat consecutusque disputationum adsiduitate erat, ut matronae auratas uestes ceteraque dignitatis suae ornamenta uelut instrumenta luxuriae deponerent eaque omnia delata in Iunonis aedem ipsi deae consecrarent, prae se ferentes uera ornamenta matronarum pudicitiam, non uestes esse. In iuuentute quoque quantum profligatum sit, uicti feminarum contumaces animi manifestant.

Justin,
Abrégé des Histoires Philippiques de Trogue Pompée, XX, 4, 1-13
(189 mots)

(1) Lacedaemona est un accusatif de forme grecque.
(2) Minois : voir Minos.

Corrigé proposé par le jury

Après ces événements, les Crotoniates cessèrent d’exercer leur vaillance et de se préoccuper des armes. C’est qu’ils avaient pris en haine les comportements qu’ils avaient adoptés sans succès et ils auraient changé leur mode de vie pour une existence intempérante, s’il n’y avait eu le philosophe Pythagore. Cet homme, né à Samos d’un père riche négociant, Démarate, après avoir achevé une formation approfondie en matière de sagesse, s’était rendu d’abord en Egypte puis à Babylone pour apprendre à fond le mouvement des astres et connaître les théories sur l’origine de l’univers ; il y avait atteint un très haut degré de science. Une fois qu’il en était revenu, il s’était rendu en Crète et à Lacédémone pour y étudier les législations, célèbres à cette époque, de Minos et de Lycurgue. C’est donc enrichi de toutes ces expériences qu’il vint à Crotone et ramena grâce à son autorité, le peuple, qui avait sombré dans l’intempérance, à la pratique d’un mode de vie frugal. Chaque jour, il faisait l’éloge de la vertu, puis il énumérait les vices engendrés par l’intempérance et la fin des cités qui avaient connu leur perte à cause de ce fléau. Et il fit naître chez le peuple un si grand goût pour la frugalité que la conversion, parmi ces hommes, de certains individus, qui avaient été des intempérants, à un mode d’existence des plus frugaux paraissait un événement incroyable. À l’usage des femmes aussi il dispensa fréquemment un enseignement, séparément de leurs maris, et à l’usage des enfants, un autre, séparément de leurs parents. Il enseignait tantôt aux premières la pudeur et l’obéissance envers leurs époux, tantôt aux seconds la retenue et l’étude des belles lettres. Durant ces enseignements, il inculquait à tous l’idée que la frugalité était comme la mère des vertus. Et, par la continuité de ses conférences, il avait obtenu ceci : les femmes abandonnaient leurs vêtements brodés d’or et les autres signes distinctifs de leur rang social comme s’il s’agissait d’objets favorisant l’intempérance ; elles les amenaient tous au sanctuaire de Junon et les consacraient à la déesse elle-même, montrant ostensiblement que la véritable parure des femmes était leur attitude modeste, non pas leurs vêtements. Sa victoire sur l’opiniâtreté des femmes montre l’ampleur des résultats qu’il obtint aussi auprès de la jeunesse.

Version grecque

Platon,
République, 329a2-d1

Versions de langues vivantes

Session 2019

Rapport du jury 2019

Première composition française (Littérature française)

« Les récits de Balzac sont des fables en même temps que des romans et peuvent se lire aussi bien comme des rébus historiques que comme des fictions. »

(Nicole Mozet, Balzac et le temps, Christian Pirot éditeur, 2005, p. 92)

En quoi ces propos éclairent-ils votre lecture du Cousin Pons de Balzac ?

Seconde composition française

« L’œuvre littéraire demande du recul, un certain “désengagement” de l’événement, un talent enfin, qui visent, non à restituer la réalité dans ses caractéristiques superficielles, confuses et hasardeuses, mais à en donner l’équivalent sensible qui la ressuscitera dans sa nature profonde. »

Maurice Nadeau, Le Roman français depuis la guerre, Paris Gallimard, [1963], nouvelle édition revue et augmentée, 1970, p. 36.

Dans quelle mesure ce propos éclaire-t-il votre lecture des trois œuvres du programme « Expériences de l’histoire, poétiques de la mémoire » ?

Étude grammaticale d’un texte français antérieur à 1500

Étude grammaticale d’un texte français postérieur à 1500

Version latine

LA CLÉMENCE D’AUGUSTE

La scène est à Rome, en l’an 5 de notre ère ; Auguste vient d’être informé de la conspiration fomentée contre lui par Lucius Cinna ; il le convoque pour lui tenir ce discours…

« Hoc » inquit « primum a te peto ne me loquentem interpelles, ne medio sermone meo proclames ; dabitur tibi loquendi liberum tempus. Ego te, Cinna, cum in hostium castris inuenissem, non factum tantum mihi inimicum sed natum, seruaui, patrimonium tibi omne concessi. Hodie tam felix et tam diues es ut uicto uictores inuideant. Sacerdotium tibi petenti praeteritis conpluribus quorum parentes mecum militauerant dedi ; cum sic de te meruerim, occidere me constituisti. » Cum ad hanc uocem exclamasset procul hanc ab se abesse dementiam : « Non praestas » inquit « fidem, Cinna ; conuenerat ne interloquereris. Occidere, inquam, me paras » ; adiecit locum, socios, diem, ordinem insidiarum, cui commissum esset ferrum. Et cum defixum uideret nec ex conuentione iam sed ex conscientia tacentem : « Quo » inquit « hoc animo facis ? Vt ipse sis princeps ? Male mehercules cum populo Romano agitur, si tibi ad inperandum nihil praeter me obstat. Domum tueri tuam non potes, nuper libertini hominis gratia in priuato iudicio superatus es ; adeo nihil facilius potes quam contra Caesarem aduocare. Cedo, si spes tuas solus inpedio : Paulusne te et Fabius Maximus et Cossi et Seruilii ferent tantumque agmen nobilium non inania nomina praeferentium, sed eorum qui imaginibus suis decori sint ? »

Sénèque,
La Clémence, I, 9, 8-11
(189 mots)

Corrigé proposé par le jury

« Ce que d’abord », dit-il, « je te demande, c’est de ne pas m’interrompre quand je parle, de ne pas te récrier au milieu de mon discours ; il te sera accordé du temps pour parler tout à loisir. Moi, alors que je t’avais trouvé, Cinna, dans le camp de mes adversaires, toi qui n’étais pas seulement devenu mon ennemi, mais qui étais venu tel au monde, je t’ai sauvé, je t’ai laissé tout ton patrimoine. À ce jour, tu es si prospère et si riche que les vainqueurs envient le vaincu. Le sacerdoce que tu demandais, au détriment de bon nombre de gens dont les parents avaient fait campagne avec moi, je te l’ai accordé ; alors que je t’ai traité de la sorte, tu as prévu de me faire assassiner. » Alors qu’à ce mot il s’était écrié qu’il était bien loin de commettre pareille folie, Auguste dit : « Tu ne respectes pas ta parole, Cinna ; il avait été convenu que tu n’interviendrais pas. Tu t’apprêtes à me faire assassiner, dis-je » ; il précisa en outre l’endroit, les complices, la date, le plan des opérations, [le nom de] celui à qui aurait été confié le fer. Et, alors qu’il le voyait pétrifié, et muet non plus désormais par suite de leur convention, mais par suite de sa culpabilité, il dit : « Dans quelle intention fais-tu cela ? Pour être toi-même empereur ? Parbleu, les choses vont bien mal pour le peuple romain, s’il n’y a rien, à part moi, pour te faire obstacle dans la conquête du pouvoir. Tu n’es même pas capable de veiller sur ta propre maison, tu as récemment perdu un procès civil au bénéfice d’un simple affranchi ; mais, bien sûr, il n’est rien de plus facile pour toi que d’en appeler contre César. Je me retire, si j’entrave seul tes espérances : est-ce que Paul Émile, et Fabius Maximus, et les Cossus, et les Servilius, vont te soutenir, et tout ce bataillon des nobles, de ceux qui affichent non pas de vains noms, mais qui font honneur aux portraits de leurs aïeux ? »

Version grecque

Sophocle, 
Philoctète, v. 364-388

Versions de langues vivantes

Session 2020

Rappport du jury 2020

Première composition française (Littérature française)

« Le philosophe se sert de la fiction comme d’une grille à travers laquelle l’esprit du lecteur doit saisir une intention et une pensée. Dans la mesure où elle renvoie à cette pensée, la fiction est un prétexte, et le lecteur doit la sentir comme telle : le récit philosophique n’est lisible que s’il existe une complicité entre l’auteur et le lecteur. »

Henri Coulet, « La distanciation dans le roman et le conte philosophiques », Roman et Lumières au XVIIIe siècle, Paris, Éditions sociales, 1970, p. 439.

Vous analyserez et discuterez ces propos, en les confrontant aux trois textes du programme : Zadig, Candide, L’Ingénu.

Seconde composition française (Littérature générale et comparée)

« Il est indispensable que le récit saisisse l’ensemble de la société non point de l’extérieur comme une foule que l’on considère avec le regard d’un individu isolé, mais de l’intérieur, comme quelque chose à quoi l’on appartient, et dont les individus, si originaux, si éminents qu’ils soient, ne sauraient jamais se détacher complètement. »

Michel Butor, Essais sur le roman [1964], « Individu et groupe dans le roman », Paris, Gallimard, coll. « Tel », 1992, p. 88-108, ici p. 103-104.

Dans quelle mesure ces propos éclairent-ils votre lecture des œuvres inscrites au programme intitulé « Solitude et communauté dans le roman » ?

Étude grammaticale d’un texte français antérieur à 1500

Étude grammaticale d’un texte français postérieur à 1500
(cette épreuve a été annulée et n’a pas été repassée)

Version latine

PORTRAIT DE LA FAIM

La déesse Cérès a entrepris de punir Érysichthon, coupable de sacrilège ; elle va déchaîner contre lui la Faim.

« Est locus extremis Scythiae glacialis in oris,
triste solum, sterilis, sine fruge, sine arbore tellus ;
Frigus iners illic habitant Pallorque Tremorque
et ieiuna Fames. Ea se in praecordia condat
sacrilegi scelerata iube ; nec copia rerum
uincat eam superetque meas certamine uires ;
neue uiae spatium te terreat, accipe currus,
accipe, quos frenis alte moderere, dracones ! »
Et dedit. Illa dato subuecta per aera curru
deuenit in Scythiam rigidique cacumine montis
(Caucason (1) appellant) serpentum colla leuauit
quaesitamque Famem lapidoso uidit in agro
unguibus et raras uellentem dentibus herbas.
Hirtus erat crinis, caua lumina, pallor in ore,
labra incana situ, scabrae rubigine fauces,
dura cutis, per quam spectari uiscera possent ;
ossa sub incuruis exstabant arida lumbis,
uentris erat pro uentre locus ; pendere putares
pectus et a spinae tantummodo crate teneri.
Auxerat articulos macies genuumque tumebat
orbis et inmodico prodibant tubere tali.
Hanc procul ut uidit (neque enim est accedere iuxta
ausa), refert mandata deae ; paulumque morata,
quamquam aberat longe, quamquam modo uenerat illuc,
uisa tamen sensisse famem […].

Ovide,
Les Métamorphoses
, VIII, v. 788-812
(25 vers – 163 mots)

(1) Caucason : accusatif grec.

Corrigé proposé par le jury

« Il est un lieu, aux bords les plus lointaines de la glaciale Scythie, un sol triste, une terre stérile – pas un grain, pas un arbre. C’est là qu’habitent le Froid qui engourdit, la Pâleur et le Tremblement, ainsi que la Faim qui jeûne. Elle, qu’elle se niche dans le cœur scélérat du sacrilège : donne-lui en l’ordre ! L’abondance de nourriture ne doit pas l’emporter sur elle et, en se mesurant à moi, elle doit triompher de mes forces. Et n’aie pas peur de la distance à parcourir : prends mon char, prends mes dragons ; ils se conduisent dans les hauteurs du ciel avec des rênes. » Et elle donna char et dragons. La Nymphe, transportée au milieu des airs sur le char que lui avait donné Cérès, descendit sur la Scythie et, au sommet d’une montagne gelée (on l’appelle le Caucase), elle soulagea le cou des serpents. Cherchant la Faim, elle la vit dans un terrain pierreux où, de ses ongles, de ses dents, elle arrachait de rares herbes. Elle avait les cheveux hérissés, les yeux creusés, la pâleur sur le visage, les lèvres blanchies de moisi, la gorge sale de rouille, et une peau dure, quoiqu’à travers on pût voir ses entrailles. Dans le bas de son dos courbé, ses os pointaient ; pour ventre, il n’y avait que la place du ventre. On aurait cru que sa poitrine était suspendue, attachée uniquement à la treille que formait sa colonne vertébrale. La maigreur avait fait gonfler ses articulations, ses genoux, enflés, formaient des globes, et une bosse démesurée faisait dépasser ses talons. Dès que la Nymphe l’eut vue, de loin (en effet, elle n’osa pas s’avancer trop près), elle lui fait part des ordres de la déesse. Elle ne s’attarda pas longuement : alors qu’elle se tenait à bonne distance, alors qu’elle venait à peine d’arriver en ce lieu, elle eut néanmoins l’impression de ressentir la faim.

Version grecque

Les plaideurs demandent qu’on ne confisque pas leur fortune par considération pour la mémoire de leur père, exécuté pour ses opinions démocratiques au cours des événements de 404-403 qui ont vu également exiler de nombreux Athéniens.

Νῦν τοίνυν ταύτην ἀνθ’ ἁπάντων (1) ἀπαιτοῦμεν ὑμᾶς τὴν χάριν, μὴ περιιδεῖν ἡμᾶς ἀπόρως διατεθέντας μηδ ̓ ἐνδεεῖς τῶν ἐπιτηδείων γενομένους, μηδὲ τὴν τῶν προγόνων εὐδαιμονίαν καταλῦσαι, ἀλλὰ πολὺ μᾶλλον παράδειγμα ποιῆσαι τοῖς βουλομένοις τὴν πόλιν εὖ ποιεῖν, οἵων ὑμῶν ἐν τοῖς κινδύνοις τεύξονται.

Οὐκ ἔχω, ὦ ἄνδρες δικασταί, οὕστινας δεησομένους ὑπὲρ ἡμῶν ἀναβιβάσομαι (2)· τῶν γὰρ προσηκόντων οἱ μὲν ἄνδρας ἀγαθοὺς αὑτοὺς παρασχόντες καὶ μεγάλην τὴν πόλιν ποιοῦντες, ἐν τῷ πολέμῳ τεθνᾶσιν, οἱ δ ̓ ὑπὲρ τῆς δημοκρατίας καὶ τῆς ὑμετέρας ἐλευθερίας ὑπὸ τῶν τριάκοντα κώνειον πιόντες, ὥστε τῆς ἐρημίας τῆς ἡμετέρας αἴτιαι γεγόνασιν αἵ τε τῶν προσηκόντων ἀρεταὶ καὶ αἱ τῆς πόλεως συμφοραί. Ὧν ἄξιον ὑμᾶς ἐνθυμηθέντας προθύμως ἡμῖν βοηθῆσαι, ἡγησαμένους τούτους ἂν ἐν δημοκρατίᾳ δικαίως εὖ πάσχειν ὑφ ̓ ὑμῶν, οἵπερ ἐν ὀλιγαρχίᾳ τῶν συμφορῶν μετέσχον τὸ μέρος.

Ἀξιῶ δὲ καὶ τούτους τοὺς συνδίκους εὔνους ἡμῖν εἶναι, ἐκείνου τοῦ χρόνου μνησθέντας, ὅτ ̓ ἐκ τῆς πατρίδος ἐκπεπτωκότες καὶ τὰς οὐσίας ἀπολωλεκότες ἄνδρας ἀρίστους ἐνομίζετ ̓ εἶναι τοὺς ὑπὲρ ὑμῶν ἀποθνῄσκοντας, καὶ τοῖς θεοῖς ηὔχεσθε δυνηθῆναι χάριν τοῖς ἐξ ἐκείνων ἀποδοῦναι. Ἡμεῖς τοίνυν, ὑεῖς ὄντες καὶ συγγενεῖς τῶν ὑπὲρ τῆς ἐλευθερίας προκεκινδυνευκότων, ἀπαιτοῦμεν ὑμᾶς νυνὶ ταύτην τὴν χάριν, καὶ ἀξιοῦμεν μὴ ἀδίκως ἡμᾶς ἀπολέσαι, ἀλλὰ πολὺ μᾶλλον βοηθεῖν τοῖς τῶν αὐτῶν μετασχοῦσι συμφορῶν.

Lysias,
Sur la confiscation des biens du frère de Nicias, 23-27  

(1) ἁπάντων : le plaideur évoque par ce mot tous les sacrifices que dans le passé sa famille a consentis pour la défense de la démocratie.
(2) Les plaideurs cherchaient souvent à émouvoir le tribunal en se faisant entourer de membres de leur famille.

Versions de langues vivantes

Session 2021

Rapport du jury 2021

Première composition française (Littérature française)

« Cette recherche de l’ambiguïté, ces mots suspects qui comportent plusieurs sens, cet émiettement du langage visent à rendre évidente l’incertitude du monde qu’il est impossible d’appréhender dans sa réalité. Êtres, sentiments, langages, tout nous échappe, tout nous trompe, dans un glissement et un chevauchement continus desapparences […] ».

Jean Dufournet, Nouvelles recherches sur Villon, Paris, Honoré Champion, 1980, p. 16.

Vous analyserez et discuterez ces propos : dans quelle mesure éclairent-ils votre lecture des œuvres de François Villon au programme ?

Seconde composition française (Littérature générale et comparée)

« Parlez-moi des formes, j’ai grand besoin d’inquiétude », écrit Paul Éluard dans le poème « Pour se prendre au piège » (Mourir de ne pas mourir [1924], Œuvres complètes, Marcelle Dumas et Lucien Scheler éd., t. I, Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1968, p. 139.)

Dans quelle mesure ce propos éclaire-t-il votre lecture des trois œuvres du programme « Formes de l’amour. Sonnets de la modernité » ?

Étude grammaticale d’un texte français antérieur à 1500

Étude grammaticale d’un texte français postérieur à 1500

Version latine

TROP DE SPORT TUE LA SANTÉ

Stulta est enim, mi Lucili, et minime conueniens litterato uiro occupatio exercendi lacertos et dilatandi ceruicem ac latera firmandi : cum tibi feliciter sagina cesserit et tori creuerint, nec uires umquam opimi bouis nec pondus aequabis. Adice nunc quod maiore corporis sarcina animus eliditur et minus agilis est. Itaque quantum potes, circumscribe corpus tuum et animo locum laxa. Multa sequuntur incommoda huic deditos curae : primum exercitationes quarum labor spiritum exhaurit et inhabilem intentioni ac studiis acrioribus reddit ; deinde copia ciborum subtilitas impeditur. Accedunt pessimae notae mancipia in magisterium (1) recepta, homines inter oleum et uinum occupati, quibus ad uotum dies actus est, si bene desudauerunt, si, in locum eius quod effluxit, multum potionis altius in ieiunio iturae regesserunt. Bibere et sudare uita cardiaci est. Sunt exercitationes et faciles et breues, quae corpus et sine mora lassent et tempori parcant, cuius praecipua ratio habenda est : cursus et cum aliquo pondere manus motae et saltus uel ille qui corpus in altum leuat, uel ille qui in longum mittit, uel ille – ut ita dicam – Saliaris aut – ut contumeliosius dicam – fullonius (2) : cuiuslibet ex his elige usum rudem, facilem. Quidquid facies, cito redi a corpore ad animum ; illum noctibus ac diebus exerce : labore modico alitur ille. Hanc exercitationem non frigus, non aestus impediet, ne senectus quidem : id bonum cura quod uetustate fit melius.

Sénèque le Jeune,
Lettres à Lucilius, II, 15, 2-5
(216 mots)

(1) Comprendre magisterium au sens de « entraîneur ».
(2) Voir fullonicus.

Corrigé proposé par le jury

Il est déraisonnable, mon cher Lucilius, et très peu convenable, pour un homme cultivé, de passer son temps à faire travailler ses bras, à élargir son cou, à fortifier sa poitrine. Quand tu auras achevé un bel engraissage, quand tes muscles auront pris du volume, jamais tu n’égaleras la puissance ni le poids d’un bœuf bien nourri. Ajoute désormais le fait que le bagage trop imposant d’un corps écrase l’esprit et le rend moins agile. Dans ces conditions, réduis, autant que possible, la part de ton corps, et fais de la place à ton esprit. S’ensuivent de nombreux ennuis pour ceux qui se sont consacrés (ou se consacrent) à cette préoccupation : d’abord, les exercices dont l’effort nous coupe le souffle et nous rend incapables d’une attention et d’études plus poussées ; ensuite, le trop de nourriture entrave la finesse de la pensée. S’ajoutent les esclaves de la pire espèce considérés comme entraîneurs, des hommes partagés entre la burette d’huile et le pot de vin, pour lesquels la journée s’est passée à souhait s’ils ont bien transpiré pour compenser la perte de sueur qui s’est échappée, s’ils ont avalé une grande quantité de liquide qui les imbibera plus intensément, puisqu’ils sont à jeun. Boire et transpirer est le mode de vie du malade de l’estomac (dyspeptique). Il y a des exercices faciles et courts qui, à la fois fatiguent le corps immédiatement et te font gagner du temps, dont il faut tenir le plus grand compte : la course, le mouvement des mains avec quelque poids (le maniement des haltères), le saut en hauteur, le saut en longueur, ou – pour ainsi dire – le pas des Saliens, ou – pour parler plus outrageusement – celui du foulon. Adopte une pratique élémentaire, facile, de n’importe lequel d’entre eux. Quoi que tu fasses, reviens (passe) vite du corps à l’esprit ; exerce-le nuit et jour : un effort modéré l’entretient. Cette pratique, ni le froid, ni le chaud ne la gêneront, ni même la vieillesse : cultive le bien qui devient meilleur avec le temps.

Version grecque

DU COURAGE DES FEMMES

Socrate vient d’assister avec les autres convives d’un banquet au numéro d’une danseuse acrobate.

Καὶ ὁ Σωκράτης εἶπεν· « Ἐν πολλοῖς μέν, ὦ ἄνδρες, καὶ ἄλλοις δῆλον καὶ ἐν οἷς δ’ ἡ παῖς ποιεῖ ὅτι ἡ γυναικεία φύσις οὐδὲν χείρων τῆς τοῦ ἀνδρὸς οὖσα τυγχάνει, ῥώμης δὲ καὶ ἰσχύος δεῖται. Ὥστε εἴ τις ὑμῶν γυναῖκα ἔχει, θαρρῶν διδασκέτω ὅ τι βούλοιτ’ ἂν αὐτῇ ἐπισταμένῃ χρῆσθαι. » Καὶ ὁ Ἀντισθένης, « Πῶς οὖν, ἔφη, ὦ Σώκρατες, οὕτω γιγνώσκων οὐ καὶ σὺ παιδεύεις Ξανθίππην, ἀλλὰ χρῇ γυναικὶ τῶν οὐσῶν, οἶμαι δὲ καὶ τῶν γεγενημένων καὶ τῶν ἐσομένων χαλεπωτάτῃ ; — Ὅτι, ἔφη, ὁρῶ καὶ τοὺς ἱππικοὺς βουλομένους γενέσθαι οὐ τοὺς εὐπειθεστάτους ἀλλὰ τοὺς θυμοειδεῖς ἵππους κτωμένους. Νομίζουσι γάρ, ἂν τοὺς τοιούτους δύνωνται κατέχειν, ῥᾳδίως τοῖς γε ἄλλοις ἵπποις χρήσεσθαι. Κἀγὼ δὴ βουλόμενος ἀνθρώποις χρῆσθαι καὶ ὁμιλεῖν ταύτην κέκτημαι, εὖ εἰδὼς ὅτι εἰ ταύτην ὑποίσω, ῥᾳδίως τοῖς γε ἄλλοις ἅπασιν ἀνθρώποις συνέσομαι. » Καὶ οὗτος μὲν δὴ ὁ λόγος οὐκ ἀπὸ τοῦ σκοποῦ ἔδοξεν εἰρῆσθαι. Μετὰ δὲ τοῦτο κύκλος εἰσηνέχθη περίμεστος ξιφῶν ὀρθῶν. Εἰς οὖν ταῦτα ἡ ὀρχηστρὶς ἐκυβίστα τε καὶ ἐξεκυβίστα ὑπὲρ αὐτῶν. Ὥστε οἱ μὲν θεώμενοι ἐφοβοῦντο μή τι πάθῃ, ἡ δὲ θαρρούντως τε καὶ ἀσφαλῶς ταῦτα διεπράττετο. Καὶ ὁ Σωκράτης καλέσας τὸν Ἀντισθένην εἶπεν· « Οὔτοι τούς γε θεωμένους τάδε ἀντιλέξειν ἔτι οἴομαι, ὡς οὐχὶ καὶ ἡ ἀνδρεία διδακτόν, ὁπότε αὕτη καίπερ γυνὴ οὖσα οὕτω τολμηρῶς εἰς τὰ ξίφη ἵεται. »

Xénophon,
Le Banquet, 2, 9-12
(216 mots)

Corrigé proposé par le jury

Socrate dit alors : « Dans de nombreux domaines, messieurs, et en particulier par ce qu’accomplit la jeune fille, il est évident que la nature féminine ne se trouve être en rien inférieure à celle de l’homme, si ce n’est qu’elle manque de force et de vigueur. Par conséquent, si l’un de vous a une femme, qu’il n’hésite pas à lui enseigner ce qu’il voudrait qu’elle sache pour vivre avec lui. » Antisthène dit alors : « Comment se fait-il donc, Socrate, puisque tu es de cet avis, que toi non plus tu ne fasses pas l’éducation de Xanthippe, mais que tu vives avec la plus désagréable des femmes d’aujourd’hui, et même, je pense, des femmes passées et futures ? — C’est que, dit Socrate, je vois que ceux qui veulent devenir d’habiles cavaliers n’acquièrent pas les chevaux les plus dociles, mais les chevaux rétifs. Car ils pensent que s’ils sont capables de maîtriser de telles montures, assurément, ils manieront facilement les autres chevaux. Et moi donc, qui voulais avoir commerce avec les êtres humains et les fréquenter, j’ai épousé cette femme, sachant bien que, si je supportais celle-ci, je vivrais facilement avec tous les autres êtres humains. » Et l’on trouva cette rÈponse bien envoyée. Après cela, on apporta un cercle garni d’épées dressées. La danseuse entrait alors dans ce cercle d’une culbute et d’une culbute en ressortait en franchissant les épées. Les spectateurs craignaient donc qu’il ne lui arrivât quelque malheur tandis qu’elle accomplissait ce tour avec hardiesse et sans se blesser. Alors Socrate interpella Antisthène et lui dit : « Non, en vérité, je ne crois pas que ceux qui voient ce spectacle contesteront encore que le courage est une qualité qui peut être enseignée, quand cette danseuse, bien que femme, s’élance si hardiment au milieu des épées. »

Versions de langues vivantes

Session 2022

Rapport du jury 2022

Première composition française (Littérature française)

« La Mort Artu, dernier volet du vaste Lancelot-Graal, se fonde sur une négation : il n’y a pas d’aventure ; il n’y a plus ces hasards éclatants, à chaque séquence offrant au ‘‘héros’’ une occasion de triomphe ; il ne reste qu’une suite d’actions courageuses mais sans espoir, un engagement coûte que coûte pour une cause que l’on croit bonne : l’aventure n’est plus une étape dans une progression, elle est signe de quelque réalité morale. »

Paul Zumthor, Essai de poétique médiévale, Paris, Seuil, 1972 (rééd. 2000), p. 436-437.

Dans quelle mesure ces propos éclairent-ils votre lecture de La Mort du roi Arthur ?

Seconde composition française (Littérature générale et comparée)

« Pourquoi l’animal ? L’une des hypothèses permettant de répondre à la question touche à la figuralité ou, pour le dire autrement, tient à la puissance figurative de la littérature, c’est-à- dire à la fois à son pouvoir de représentation et à son pouvoir allégorique : représenter en figurant autre chose, représenter pour dire, déplacer la chose pour se rapprocher de son sens ou de sa vérité. On n’est jamais tout à fait loin de la métamorphose, du bestiaire ou de la fable. L’animal figure. L’animal signifie. »

Tiphaine Samoyault, « Littéralité des rats » dans Lucie Campos, Catherine Coquio, Georges Chapouthier et Jean-Paul Engélibert (dir.), La Question animale. Entre science, littérature et philosophie, Rennes, Presses Universitaires de Rennes, 2011, p. 231.

Dans quelle mesure cette citation éclaire-t-elle votre lecture des œuvres du programme « Fictions animales » ?

Étude grammaticale d’un texte français antérieur à 1500

Étude grammaticale d’un texte français postérieur à 1500

Version latine

UN TYRAN NE TOLÈRE PAS DE RIVAL

Partagé entre l’influence opposée de deux conseillers, le philosophe Platon et l’historien Philistus, Denys, tyran de Syracuse, finit par persécuter Dion, son rival politique.

Plato autem tantum apud Dionysium auctoritate potuit ualuitque eloquentia ut ei persuaserit tyrannidis facere finem libertatemque reddere Syracusanis. A qua uoluntate Philisti consilio deterritus aliquanto crudelior esse coepit.

Qui (1) quidem, cum a Dione se superari uideret ingenio, auctoritate, amore populi, uerens ne, si eum secum haberet, aliquam occasionem sui daret opprimendi, nauem ei triremem dedit, qua Corinthum deueheretur, ostendens se id utriusque facere causa, ne, cum inter se timerent, alteruter alterum praeoccuparet. Id cum factum multi indignarentur magnaeque esset inuidiae tyranno, Dionysius omnia quae moueri poterant Dionis in naues imposuit ad eumque misit. Sic enim existimari uolebat id se non odio hominis, sed suae salutis fecisse causa.

Postea uero quam audiuit eum in Peloponneso manum comparare sibique bellum facere conari, Areten (2), Dionis uxorem, alii nuptum dedit filiumque eius sic educari iussit ut indulgendo turpissimis imbueretur cupiditatibus. Nam puero, prius quam pubes esset, scorta adducebantur, uino epulisque obruebatur, neque ullum tempus sobrio relinquebatur. Is usque eo uitae statum commutatum ferre non potuit, postquam in patriam rediit pater (namque appositi erant custodes qui eum a pristino uictu deducerent), ut se de superiore parte aedium deiecerit atque ita interierit.

Cornélius Népos,
Traité sur les grands généraux des nations étrangères, 10 (Dion), 3-4
(186 mots)

(1) Qui = Denys.
(2) Areten = accusatif grec.

Corrigé proposé par le jury

Quant à Platon, il eut auprès de Denys tant de pouvoir grâce à son autorité et tant d’influence grâce à son éloquence qu’il réussit à le persuader de mettre fin à la tyrannie et de rendre la liberté aux Syracusains. Mais, détourné de cette intention par l’avis de Philistus, Denys se mit à être notablement plus cruel.

Et d’ailleurs, comme il constatait qu’il était surpassé par Dion en intelligence, en autorité et par l’affection inspirée au peuple, craignant que, s’il gardait Dion en sa compagnie, il ne lui offrît quelque occasion de précipiter sa chute, il offrit à son ennemi une trirème pour qu’il se transportât à Corinthe, montrant qu’il agissait ainsi dans l’intérêt des deux à la fois, en empêchant que, puisqu’ils se craignaient mutuellement, aucun des deux ne prît l’ascendant sur l’autre. Comme beaucoup s’indignaient de cette action et qu’elle suscitait une grande haine envers le tyran, Denys fit charger sur des navires toutes les affaires de Dion qui pouvaient être transportées et les lui envoya. En effet, il voulait qu’ainsi l’on pensât qu’il prenait cette mesure non par détestation de l’individu mais pour sa propre sauvegarde.

Mais après qu’il eut entendu dire que Dion levait une troupe dans le Péloponnèse et qu’il se préparait à lui faire la guerre, il offrit Arètè, l’épouse de Dion, en mariage à un autre, et il ordonna que son fils fût éduqué de telle manière qu’il fût infecté par les plus honteuses passions en s’y abandonnant complaisamment. Car à l’enfant, avant qu’il fût adolescent, on amenait des prostituées, on l’engloutissait dans le vin et les banquets, et on ne lui laissait aucun instant de sobriété. L’enfant fut à ce point incapable de supporter que son mode de vie eût été changé du tout au tout après le retour de son père dans sa patrie (car des gardiens avaient été postés près de lui pour le détourner de son existence antérieure), qu’il se précipita du haut de la maison et trouva ainsi la mort.

Version grecque

DE L’HONNÊTETÉ DES ÉPOUSES

Électre, que sa mère Clytemnestre a invitée à parler sans contrainte, va donner libre cours à sa rancœur.

Ἠλέκτρα
Μέμνησο, μῆτερ, οὓς ἔλεξας ὑστάτους
λόγους, διδοῦσα πρὸς σέ μοι παρρησίαν.

Κλυταιμνήστρα
Καὶ νῦν γέ φημι κοὐκ ἀπαρνοῦμαι, τέκνον.

Ἠλέκτρα
Ὅρα · κλύουσα, μῆτερ, εἶτ’ ἔρξεις κακῶς.

Κλυταιμνήστρα
Oὐκ ἔστι, τῇ σῇ δ’ ἡδὺ προσθήσω φρενί.

Ἠλέκτρα
Λέγοιμ’ ἄν · ἀρχὴ δ’ ἥδε μοι προοιμίου·
εἴθ’ εἶχες, ὦ τεκοῦσα, βελτίους φρένας.
Τὸ μὲν γὰρ εἶδος αἶνον ἄξιον φέρει
Ἑλένης τε καὶ σοῦ, δύο δ’ ἔφυτε συγγόνω
ἄμφω ματαίω Κάστορός τ’ οὐκ ἀξίω.
Ἣ μὲν γὰρ ἁρπασθεῖσ’ ἑκοῦσ’ ἀπώλετο,
σὺ δ’ ἄνδρ’ ἄριστον Ἑλλάδος διώλεσας,
σκῆψιν προτείνουσ’ ὡς ὑπὲρ τέκνου πόσιν
ἔκτεινας. Οὐ γάρ, ὡς ἔγωγ’, ἴσασί σ’ εὖ·
ἥ, τῆς θυγατρὸς πρὶν κεκυρῶσθαι σφαγὰς
νέον τ’ ἀπ’ οἴκων ἀνδρὸς ἐξωρμημένου,
ξανθὸν κατόπτρῳ πλόκαμον ἐξήσκεις κόμης.
Γυνὴ δ’ ἀπόντος ἀνδρὸς ἥτις ἐκ δόμων
ἐς κάλλος ἀσκεῖ, διάγραφ’ ὡς οὖσαν κακήν.
Οὐδὲν γὰρ αὐτὴν δεῖ θύρασιν εὐπρεπὲς
φαίνειν πρόσωπον, ἤν τι μὴ ζητῇ κακόν.
Μόνη δὲ πασῶν οἶδ’ ἐγὼ σ’ Ἑλληνίδων,
εἰ μὲν τὰ Τρώων εὐτυχοῖ, κεχαρμένην,
εἰ δ’ ἥσσον’ εἴη, συννεφοῦσαν ὄμματα,
Ἀγαμέμνον’ οὐ χρῄζουσαν ἐκ Τροίας μολεῖν.
Καίτοι καλῶς γε σωφρονεῖν παρεῖχέ σοι·
ἄνδρ’ εἶχες οὐ κακίον’ Αἰγίσθου πόσιν,
ὃν Ἑλλὰς αὑτῆς εἵλετο στρατηλάτην·
Ἑλένης δ’ ἀδελφῆς τοιάδ ̓ ἐξειργασμένης,
ἐξῆν κλέος σοι μέγα λαβεῖν· τὰ γὰρ κακὰ
παράδειγμα τοῖς ἐσθλοῖσιν εἴσοψίν τ’ ἔχει.

Euripide,
Électre, v. 1055-1085

Corrigé proposé par le jury

Électre
Souviens-toi, mère, des dernières paroles que tu as prononcées, en me donnant le droit de te parler en toute liberté.

Clytemnestre
Je l’affirme encore maintenant et ne m’en dédis pas, ma fille. 

Électre
Prends garde ! Après m’avoir entendue, mère, tu voudras me faire du mal.

Clytemnestre
Non : j’opposerai la douceur à tes sentiments.

Électre
Je parlerai donc, et voici le début de mon préambule / et ce mot, « sentiments », me fournit le début de mon préambule : que n’as-tu, mère, de meilleurs sentiments ! Car si la beauté d’Hélène ainsi que la tienne reçoivent des éloges mérités, vous êtes bien cependant nées deux sœurs, toutes deux vaines et indignes de Castor. Hélène, en consentant à son enlèvement, a causé sa propre perte ; mais toi, tu as fait périr le plus noble héros de la Grèce, en donnant comme excuse que tu avais tué ton époux pour venger ton enfant. Car ils ne te connaissent pas aussi bien que moi – toi qui, avant que le meurtre de ta fille eût été décidé, et alors que ton mari était parti depuis peu de ta maison, arrangeais avec soin, devant le miroir, la tresse blonde de ta chevelure. La femme qui, alors que son mari est absent, cherche à être belle en dehors de sa maison, considère-la comme malhonnête. En effet, elle n’a aucun besoin de montrer devant sa porte un joli visage, si elle ne trame quelque mauvaise action. Moi seule de toutes les femmes grecques, je sais que toi, quand le camp troyen était heureux, tu te réjouissais, tandis que, quand il avait le dessous, tes yeux s’assombrissaient, car tu ne souhaitais pas qu’Agamemnon rentre de Troie. Ta sœur Hélène ayant commis de tels forfaits, il t’était possible d’acquérir une grande gloire : en effet, les mauvaises actions donnent un point de comparaison pour les actions vertueuses et attirent l’attention. / en effet, les mauvaises actions servent d’exemple aux gens de bien et leur donnent à penser.

Versions de langues vivantes

Session 2023

Rapport du jury 2023

Première composition française (Littérature française)

« Avoir une vue claire sur soi et sur les autres est impossible en raison de la grande présence de visions intérieures qui font de l’imagination une faculté dangereuse et pourtant nécessaire dans l’opération de saison du réel. La dramaturgie tragique de Tristan promeut en effet une cécité ou plutôt un enfermement dans la vision intérieure et ses chimères. C’est l’imagination qui dicte ainsi la compréhension et la perception du réel. »

Jérôme Laubner, « “Tant de chimères et de monstres fantasques”.
Les visions intérieures dans les tragédies de Tristan L’Hermite »,
Cahiers Tristan L’Hermite, XXXIX, 2017.

Dans quelle mesure ces propos éclairent-ils votre lecture de La Mariane, Osman et La Mort de Sénèque de Tristan L’Hermite ?

Seconde composition française (Littérature générale et comparée)

« Le regard de l’animal est un regard qui me dérange. »

Jean-Christophe Cavallin, Valet noir. Vers une écologie du récit, Paris, Corti, 2021.

Dans quelle mesure ce propos éclaire-t-il votre lecture des œuvres du programme « Fictions animales » ?

Étude grammaticale d’un texte français antérieur à 1500

Étude grammaticale d’un texte français postérieur à 1500

Version latine

LE RESPECT DÛ À LA VIEILLESSE

Caton célèbre les vertus de la vieillesse. Il parle à Scipion et à Lélius.

Non cani nec rugae repente auctoritatem adripere possunt, sed honeste acta superior aetas fructus capit auctoritatis extremos. Haec enim ipsa sunt honorabilia, quae uidentur leuia atque communia, salutari, appeti, decedi, adsurgi, deduci, reduci, consuli ; quae et apud nos et in aliis ciuitatibus, ut quaeque (1) optime morata est, ita diligentissime obseruantur. Lysandrum Lacedaemonium, cuius modo feci mentionem, dicere aiunt solitum Lacedaemonem esse honestissimum domicilium senectutis : nusquam enim tantum tribuitur aetati, nusquam est senectus honoratior. Quin etiam memoriae proditum est, cum Athenis ludis quidam in theatrum grandis natu uenisset magno consessu, locum nusquam ei datum a suis ciuibus ; cum autem ad Lacedaemonios accessisset, qui, legati cum essent, certo in loco consederant, consurrexisse omnes illi dicuntur et senem sessum recepisse ; quibus cum a cuncto consessu plausus esset multiplex datus, dixisse ex iis quemdam (2) Athenienses scire quae recta essent, sed facere nolle. Multa in uestro collegio (3) praeclara, sed hoc, de quo agimus, in primis, quod, ut quisque aetate antecedit, ita sententiae principatum tenet, neque solum honore antecedentibus, sed iis etiam qui cum imperio (4) sunt, maiores natu augures anteponuntur. Quae sunt igitur uoluptates corporis cum auctoritatis praemiis comparandae ?

Cicéron, 
Caton l’Ancien ou De la vieillesse, 62-64

(1) Quaeque : sous-entendu ciuitas.
(2) Dixisse ex iis quemdam : sous-entendre, avant dixissememoriae proditum est.
(3) Scipion et Lélius font partie du collège des augures. 
(4) Imperium : comprendre le pouvoir détenu par les magistrats supérieurs.

Corrigé proposé par le jury

Ni les cheveux blancs ni les rides ne peuvent à eux seuls s’emparer du prestige, mais une vie passée que l’on a vécue dignement recueille du prestige les fruits ultimes. En effet, ces gestes qui semblent anodins et banals sont précisément des marques d’honneur : on vous rend visite, on vous aborde, on vous cède le passage, on se lève pour vous, on vous escorte, on vous raccompagne, on vous consulte ; civilités qui chez nous aussi bien que dans d’autres États, à proportion de l’excellence de leurs moeurs, sont très scrupuleusement respectées. On dit que Lysandre de Lacédémone, auquel j’ai fait allusion tout à l’heure, avait coutume de déclarer que Lacédémone était l’asile le plus honorable de la vieillesse : nulle part en effet l’âge ne jouit d’autant d’égards, nulle part la vieillesse n’est davantage mise à l’honneur. Mais il y a mieux : d’après la tradition, alors qu’à Athènes, pendant les jeux, un homme d’un âge avancé était entré dans le théâtre au milieu d’une assistance nombreuse, nulle part une place ne lui fut cédée par ses concitoyens ; mais alors qu’il s’était approché des Lacédémoniens qui, en qualité d’ambassadeurs, s’étaient installés ensemble en un endroit précis, on raconte qu’ils se levèrent pour lui comme un seul homme et invitèrent le vieillard à s’asseoir ; et comme ils avaient reçu un applaudissement nourri de l’assistance unanime, l’un d’entre eux, dit-on, déclara que les Athéniens avaient la connaissance du bien mais ne voulaient pas le pratiquer. Bien des usages qui ont cours dans votre collège sont remarquables, mais principalement celui-ci, qui concerne notre propos : plus quelqu’un l’emporte par l’âge, plus son avis prime, et les augures plus anciens ont la préséance non seulement sur ceux qui l’emportent par le rang, mais encore sur ceux qui jouissent du pouvoir suprême. Quels sont donc les plaisirs du corps qu’il convient de mettre sur un pied d’égalité avec les privilèges du prestige ?

Version grecque

COMPARAISON DE THÉSÉE ET HERCULE

Les exploits de Thésée surpassent ceux d’Hercule, sinon en grandeur, du moins en utilité.

Κάλλιστον μὲν οὖν ἔχω περὶ Θησέως τοῦτ ̓ εἰπεῖν, ὅτι κατὰ τὸν αὐτὸν χρόνον Ἡρακλεῖ γενόμενος ἐνάμιλλον τὴν αὑτοῦ δόξαν πρὸς τὴν ἐκείνου κατέστησεν. Οὐ γὰρ μόνον τοῖς ὅπλοις ἐκοσμήσαντο παραπλησίοις, ἀλλὰ καὶ τοῖς ἐπιτηδεύμασιν ἐχρήσαντο τοῖς αὐτοῖς, πρέποντα τῇ συγγενείᾳ ποιοῦντες. Ἐξ ἀδελφῶν γὰρ γεγονότες, ὁ μὲν ἐκ Διὸς, ὁ δ ̓ ἐκ Ποσειδῶνος, ἀδελφὰς καὶ τὰς ἐπιθυμίας ἔσχον. Μόνοι γὰρ οὗτοι τῶν προγεγενημένων ὑπὲρ τοῦ βίου τοῦ τῶν ἀνθρώπων ἀθληταὶ κατέστησαν. Συνέβη δὲ τὸν μὲν ὀνομαστοτέρους καὶ μείζους, τὸν δ ̓ ὠφελιμωτέρους καὶ τοῖς Ἕλλησιν οἰκειοτέρους ποιήσασθαι τοὺς κινδύνους. Τῷ μὲν γὰρ Εὐρυσθεὺς προσέταττεν τάς τε βοῦς τὰς ἐκ τῆς Ἐρυθείας ἀγαγεῖν καὶ τὰ μῆλα τὰ τῶν Ἑσπερίδων ἐνεγκεῖν καὶ τὸν Κέρβερον ἀναγαγεῖν καὶ τοιούτους ἄλλους πόνους, ἐξ ὧν ἤμελλεν οὐ τοὺς ἄλλους ὠφελήσειν ἀλλ ̓ αὐτὸς κινδυνεύσειν· ὁ δ ̓, αὐτὸς αὑτοῦ κύριος ὢν, τούτους προῃρεῖτο τῶν ἀγώνων ἐξ ὧν ἤμελλεν ἢ τῶν Ἑλλήνων ἢ τῆς αὑτοῦ πατρίδος εὐεργέτης γενήσεσθαι. Καὶ τόν τε ταῦρον τὸν ἀνεθέντα μὲν ὑπὸ Ποσειδῶνος, τὴν δὲ χώραν λυμαινόμενον, ὃν πάντες οὐκ ἐτόλμων ὑπομένειν, μόνος χειρωσάμενος μεγάλου φόβου καὶ πολλῆς ἀπορίας τοὺς οἰκοῦντας τὴν πόλιν ἀπήλλαξεν· καὶ μετὰ ταῦτα Λαπίθαις σύμμαχος γενόμενος, στρατευσάμενος ἐπὶ Κενταύρους τοὺς διφυεῖς, οἳ καὶ τάχει καὶ ῥώμῃ καὶ τόλμῃ διενεγκόντες τὰς μὲν ἐπόρθουν, τὰς δ ̓ ἤμελλον, ταῖς δ ̓ ἠπείλουν τῶν πόλεων, τούτους μάχῃ νικήσας εὐθὺς μὲν αὐτῶν τὴν ὕβριν ἔπαυσεν, οὐ πολλῷ δ ̓ ὕστερον χρόνῳ τὸ γένος ἐξ ἀνθρώπων ἠφάνισεν.

Isocrate, 
Éloge d’Hélène, 23-26

Corrigé proposé par le jury

Ce que je peux dire de plus beau à propos de Thésée, c’est qu’étant né à la même époque qu’Hercule, il a acquis une gloire semblable à la sienne. Car non seulement ils s’équipèrent d’armes semblables, mais ils adoptèrent le même genre de vie, en accomplissant des actions dignes de leur commune origine. En effet, étant nés de frères, l’un de Zeus, l’autre de Poséidon, ils eurent des désirs qui, eux aussi, furent frères. Eux seuls, en effet, de tous les ancêtres, se sont faits athlètes pour la défense de la vie des hommes. Mais il arriva que l’un eut à affronter des dangers plus célèbres et plus importants, l’autre des dangers plus utiles et plus liés à la vie des Grecs. De fait, à l’un, Eurysthée ordonna d’amener les boeufs d’Érythéia, de cueillir les pommes des Hespérides, de faire remonter Cerbère des enfers, ainsi que d’autres travaux du même genre par lesquels il devait non pas aider les autres mais mettre en péril sa propre vie. Quant à l’autre, étant maître de lui-même, il choisissait parmi les combats ceux qui devaient lui permettre de devenir le bienfaiteur soit de la Grèce, soit de sa patrie. D’abord le taureau envoyé par Poséidon, qui ravageait la contrée et que personne n’osait affronter [litt. envoyé par Poséidon et ravageant la contrée, que personne…], l’ayant dompté tout seul, il débarrassa les habitants de la cité d’une grande peur et d’un extrême embarras. Puis, devenu l’allié des Lapithes, il mena une expédition contre les centaures à la double nature, qui, l’emportant à la fois par la vitesse, la force et l’audace, détruisaient certaines cités, s’apprêtaient à en détruire d’autres et menaçaient les troisièmes ; les ayant vaincus au combat, il fit aussitôt cesser leur hybris, et, peu de temps après, il fit disparaître leur race de la surface de la terre [litt. de chez les hommes].

Versions de langues vivantes

Session 2024

Rapport du jury 2024

Première composition française (Littérature française)

« L’idée de la peinture qui est celle de Baudelaire et dont l’oeuvre de Delacroix est pour lui le déploiement ébloui, c’est celle d’une venue, d’une sorte de montée concertante, et elle ne peut aucunement se reconnaître dans ce qui au contraire n’a d’yeux que pour l’achèvement d’une forme préconçue et pour un art où, en somme, tout est joué d’avance. »

Jean-Christophe Bailly, « Baudelaire peintre », dans Salon de 1846,
Paris, La fabrique éditions, 2021, p. 33.

Dans quelle mesure ces propos éclairent-ils votre lecture des Salons de 1845, 1846 et 1859 ? 

Seconde composition française (Littérature générale et comparée)

« L’histoire, donc, loin d’avoir une direction ni même d’être une succession linéaire de moments s’appuyant les uns sur les autres et se soudant ainsi à ceux qui les précèdent, est, bien souvent, pour le réalisme magique, éternel retour, réapparition constante du mythe, triomphe de l’éphémère – un éphémère qui prend les dimensions de l’éternel. »

Serge Govaert, « Une approche sociologique », Jean Weinsberger (dir.), Le Réalisme magique, L’Âge d’Homme, « Cahiers des avant-gardes », 1987, p. 237.

Dans quelle mesure cette citation éclaire-t-elle votre lecture du programme « Romans du “réalisme magique” » ? 

Étude grammaticale d’un texte français antérieur à 1500

Étude grammaticale d’un texte français postérieur à 1500

Version latine

REGARD FATAL

Orphée, fou de douleur à la mort de sa bien-aimée Eurydice, descend aux enfers. Il obtient des dieux infernaux de ramener son épouse dans le monde des vivants, mais à la condition de ne pas la regarder avant d’atteindre la lumière du jour… 

Iamque pedem referens casus euaserat (1) omnis (2)
redditaque Eurydice superas ueniebat ad auras
pone sequens (namque hanc dederat Proserpina legem),
cum subita incautum dementia cepit amantem,
ignoscenda quidem, scirent si ignoscere Manes :
restitit Eurydicenque suam iam luce sub ipsa
immemor heu ! uictusque animi (3) respexit. Ibi omnis
effusus labor atque immitis rupta tyranni
foedera, terque fragor stagnis auditus Auerni.
Illa : « Quis et me » inquit « miseram et te perdidit, Orpheu,
quis tantus furor ? En iterum crudelia retro
fata uocant conditque natantia lumina somnus.
Iamque uale : feror ingenti circumdata nocte
inualidasque tibi tendens, heu ! non tua, palmas. »
Dixit et ex oculis subito, ceu fumus in auras
commixtus tenuis, fugit diuersa, neque illum
prensantem nequiquam umbras et multa uolentem
dicere praeterea uidit ; nec portitor Orci
amplius obiectam passus transire paludem.
Quid faceret ? Quo se rapta bis coniuge ferret ?
Quo fletu Manis (4), quae numina uoce moueret ?
Illa quidem Stygia nabat iam frigida cymba.
Septem illum totos perhibent ex ordine mensis
rupe sub aeria deserti ad Strymonis undam
fleuisse et gelidis haec euoluisse sub antris
mulcentem tigris (5) et agentem carmine quercus.

Virgile,
Géorgiques, IV, v. 485-510

(1) Sujet : Orphée.
(2) omnis = omnes.
(3) animi = in animo.
(4) Manis = Manes.
(5) tigris = tigres.

Version grecque

UN DIFFÉREND POÉTIQUE QUI TOURNE À LA BAGARRE

Dans l’espoir d’échapper à ses créanciers, Strepsiade a envoyé son fils Phidippide apprendre chez les sophistes l’art de faire triompher la mauvaise cause. Mais au cours d’un banquet, les nouveaux goûts artistiques du jeune homme ont commencé à se retourner contre son vieux père. Strepsiade raconte ici l’épisode au choeur, en présence de Phidippide. 

ΣΤΡΕΨΙΑΔΗΣ
Καὶ μὴν ὅθεν γε πρῶτον ἠρξάμεσθα λοιδορεῖσθαι
ἐγὼ φράσω. ᾿πειδὴ γὰρ εἱστιώμεθ᾿, ὥσπερ ἴστε,
πρῶτον μὲν αὐτὸν τὴν λύραν λαϐόντ᾿ ἐγὼ ᾿κέλευσα
ᾆσαι Σιμωνίδου μέλος, τὸν Κριόν1, ὡς ἐπέχθη·
ὁ δ᾿ εὐθέως ἀρχαῖον εἶν᾿ ἔφασκε τὸ κιθαρίζειν
ᾄδειν τε πίνονθ᾿ ὡσπερεὶ κάχρυς γυναῖκ᾿ ἀλοῦσαν.

ΦΕΙΔΙΠΠΙΔΗΣ
Οὐ γὰρ τότ᾿ εὐθὺς χρῆν σ᾿ ἄρα τύπτεσθαί τε καὶ πατεῖσθαι,
ᾄδειν κελεύονθ᾿ ὡσπερεὶ τέττιγας ἑστιῶντα ;

ΣΤΡΕΨΙΑΔΗΣ
Τοιαῦτα μέντοι καὶ τότ᾿ ἔλεγεν ἔνδον οἷάπερ νῦν,
καὶ τὸν Σιμωνίδην ἔφασκ᾿ εἶναι κακὸν ποιητήν.
Κἀγὼ μόλις μέν, ἀλλ᾿ ὅμως ἠνεσχόμην τὸ πρῶτον·
ἔπειτα δ᾿ ἐκέλευσ᾿ αὐτὸν ἀλλὰ μυρρίνην λαϐόντα
τῶν Αἰσχύλου λέξαι τί μοι· κᾆθ᾿ οὗτος εὐθὺς εἶπεν·
« Ἐγὼ γὰρ Αἰσχύλον νομίζω πρῶτον ἐν ποιηταῖς,
ψόφου πλέων, ἀξύστατον, στόμφακα, κρημνοποιόν. »
Κἀνταῦθα πῶς οἴεσθέ μου τὴν καρδίαν ὀρεχθεῖν ;
Ὅμως δὲ τὸν θυμὸν δακὼν ἔφην· « Σὺ δ᾿ ἀλλὰ τούτων
λέξον τι τῶν νεωτέρων, ἅττ᾿ ἐστὶ τὰ σοφὰ ταῦτα. »
Ὁ δ᾿ εὐθὺς ᾖσ᾿ Εὐριπίδου ῥῆσίν τιν᾿, ὡς ἐκίνει
ἁδελφός, ὦλεξίκακε, τὴν ὁμομητρίαν ἀδελφήν.
Κἀγὼ οὐκέτ᾿ ἐξηνεσχόμην, ἀλλ᾿ εὐθέως ἀράττω
πολλοῖς κακοῖς καἰσχροῖσι· κᾆτ᾿ ἐντεῦθεν, οἷον εἰκός,
ἔπος πρὸς ἔπος ἠρειδόμεσθ᾿· εἶθ᾿ οὗτος ἐπαναπηδᾷ,
κἄπειτ᾿ ἔφλα με κἀσπόδει κἄπνιγε κἀπέθλιϐεν.

Aristophane,
Les Nuées, v. 1353-1376.

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