John William Waterhouse, Hylas enlevé par les Nymphes (1896), huile sur toile, Manchester City Art Galleries.
Ce poème de Marco Antonio Flaminio (Marcus Antonius Flaminius), né à Seravalle en 1498 et mort à Rome le 17 février 1550, s’intitule « De Hercule et Hyla ».
Quid mirare, tuo si regnat corde Lycinna,
Nec cessat tantis te cruciare malis?
Crede mihi, non solus amas ; Veneris puer omnium
Est divum, atque hominum maxima pernicies.
Audistine, humeris caelum qui sustulit altis,
Ausus et inferni regna subire dei?
Ille idem tanto puerum dilexit amore,
Ut, seu nox alto surgeret Oceano,
Seu roseo terras uestiret lumine Titan,
HERCULE cum magno candidus esset HYLAS.
Nulla dies miserum puero sine uidit amantem,
Nec cum tergemini corpora Geryonis
Sterneret, atque alios invictus mille labores
Imperio duri susciperet domini.
Quin etiam Colchos peteret cum pulcher Iason,
Amphytrioniadae tunc comes ibat HYLAS.
Ibat HYLAS, clavamque gerens, Libycamque pharetram.
Qualis cum molli parthenice pluvia
Stat gravis, ac Phoebi radiis aspersa nitentem
Dat lucem, Paphiae rarus honos Veneris.
Et iam Pleiades caelo caput attollentes
Linquebant sacras Nereidum choreas,
Cum Pagasae curvis e litoribus digressi
Currebant celeri per uada salsa rate ;
Quos comitabantur cinctae fulgentibus armis
Pallas, et ipsa potens caelicolum domina.
Iamque uolans undis Nerei mirantibus, Argo
Mysorum claris urbibus appulerat.
Hic iuvenes pictis e puppibus egredientes,
Deponunt altis membra sub arboribus,
Et molles sibi quisque toros bene olentibus herbis
Exstruit : intonso creverat herba solo.
At formosus HYLAS taciti per devia montis
Ibat luciduli sumere fontis aquam.
Fons erat in silva puris argenteus undis,
Quem bicolore tegit populus alta coma.
Ac circum Paphiae densant umbracula myrtus,
Et parit assiduas aura benigna rosas,
Narcissumque, crocumque, immortalemque amaranthum,
Et te flebilibus scriptum, hyacinthe, notis.
In medio faciles nudato corpore Nymphae
Ludebant sparsis per rosea ora comis ;
Quae puerum cupido miratae lumine, cum uix
Illius molles tingeret unda pedes,
Arreptum subito itreum traxere sub amnem,
Ut quondam ueris tempore purpurei
Stella uolans, caelo noctis delapsa per umbram
Emicat, inque alto conditur Oceano ;
Tunc laetus clamat summa de puppe magister,
Candida felici pandite uela Noto,
Pandite ; nam caelo superi bona signa dedere.
Sic ait, et placidis per mare fertur aquis.
At miser Alcides casu perculsus acerbo
Amissum toto litore clamat HYLAM :
Litore HYLAM, furibundus HYLAM per devia quaerit ;
Qualis turicremas parva iuvenca deum
Concidit ante aras : sed fati nescia mater
Non iam frondifero pascitur in nemore,
Nec dulcem puri libavit fluminis undam ;
Sed fertur celeri per nemora alta pede,
Omnia mugitu complens, si forte ueniret
Bucula maternis obvia luminibus.
Sic heros, HYLA ingeminans, HYLA omnia replens
Errabat dubio per loca sola pede.
Quantas ille fero profudit corde querelas !
Pallenti quantas ore dedit lacrimas !
Cum saepe optaret scopulo se mittere ab alto,
Aut uitam rapidis ponere fluminibus.
Interea curvo solvens de litore funem,
Colchorum fines iuerat Aesonides ;
Quem desiderio pueri confectus inani
Mox sequitur lacrimans Amphytrioniades.
Hos tu sollicitos heroum doctus amores,
Disce libens durae ferre iugum dominae ;
Nec te iam pigeat quemuis perferre laborem.
Omnis amor longo uincitur obsequio.
Sur Hercule et Hylas
Pourquoi t’étonnes-tu, si Lycinne règne en ton cœur et ne cesse de te tourmenter par de si grands maux ? Crois-moi, tu n’es pas le seul à aimer ; l’enfant de Vénus est le plus grand des fléaux de tous les dieux et de tous les hommes. As-tu entendu parler de celui qui souleva le ciel grâce à ses hautes épaules et osa descendre dans le royaume du dieu des Enfers ? Ce même héros aima un jeune garçon d’un amour si puissant que le radieux Hylas, soit que la nuit surgît du profond Océan, soit que Titan parât les terres de sa lumière couleur de rose, était avec le grand Hercule. Aucune journée ne vit le malheureux amant sans le jeune garçon, ni lorsqu’il terrassa le triple corps de Géryon ni lorsque, invaincu, il entreprit mille autres travaux sur l’ordre d’un maître cruel. Bien plus, alors que le glorieux Jason cherchait à atteindre la Colchide, Hylas accompagnait alors le fils d’Amphitryon. Hylas l’accompagnait, portant sa massue et son arc libyen. Telle se tient la camomille, lourde de douces gouttes de pluie, et rend leur lumière éclatante aux rayons de Phébus, après en avoir été aspergée, rare ornement de la Vénus de Paphos. Et déjà les Pléiades, levant la tête vers le ciel, laissaient derrière elles les danses sacrées du chœur des Néréides, lorsque, après avoir quitté les rivages incurvés de Pagasa, les voyageurs couraient à travers la mer salée grâce à leur rapide navire ; or c’est eux qu’accompagnaient, couvertes d’armes étincelantes, Pallas et la puissante maîtresse des habitants du ciel en personne. Et volant déjà sur les ondes de Nérée qui s’en étonnaient, Argô avait abordé les célèbres villes de Mysie. C’est là que les jeunes gens, sortant des navires colorés, laissent se reposer leur corps à l’ombre de grands arbres, et chacun arrange pour soi un lit moelleux avec des herbes qui sentent bon : l’herbe avait poussé sur la terre jamais tondue. Mais le bel Hylas alla par les chemins détournés de la montagne silencieuse pour puiser l’eau d’une petite source limpide. Dans la forêt, il y avait une source aux eaux claires, blanche comme l’argent, qu’un haut peuplier couvre de sa frondaison bicolore. Et aux alentours les myrtes de Paphos apportent leurs ombres épaisses, et la douce brise fait naître sans cesse des roses, le narcisse, le crocus, ainsi que l’immortel amarante, et toi, hyacinthe, qui es marquée de tristes signes. En son milieu, des Nymphes d’humeur affable, le corps dénudé, jouaient, les cheveux éparpillés sur leur visage rose ; or ces dernières, ébahies devant le jeune garçon, le regard plein de désir, dès que ses tendres pieds touchèrent l’onde, l’emportèrent brusquement dans le courant clair comme le cristal, après s’être emparées de lui, de même que parfois, à l’heure du printemps de pourpre, une étoile filante étincelle à travers l’ombre de la nuit, après être tombée du ciel, et se retrouve cachée dans le profond Océan. C’est alors que le capitaine s’exclame joyeusement du haut de la poupe : « Dépliez les voiles blanches pour les offrir à l’heureux Notos, oui, dépliez-les ! Car les dieux d’en haut nous ont donné d’heureux présages dans le ciel. » Il dit ces mots, et il est porté à travers la mer par des flots tranquilles. Mais le malheureux Alcide, frappé par ce rude coup du sort, crie le nom d’Hylas, qu’il a perdu, sur tout le rivage. C’est sur le rivage que, en proie au délire, il cherche Hylas, oui, Hylas dans les chemins détournés ; c’est ainsi que la jeune vachette tombe devant les autels des dieux où brûle de l’encens : mais sa mère, ignorante de son destin, ne paît plus dans le bois feuillu, ni ne boit la douce eau d’un courant pur ; mais, la patte rapide, elle s’en va à travers les hautes forêts, les emplissant toutes de son beuglement, au cas où la génisse viendrait s’offrir aux yeux de sa mère. Ainsi le héros, répétant « Hylas », emplissant tous les lieux de son nom, « Hylas », errait à travers les solitudes, le pas incertain. Combien de lamentations fit-il sortir de son cœur sauvage ! Combien de larmes offrit-il sur ses joues pâles, tandis qu’il souhaitait souvent se jeter du haut d’une falaise ou mettre fin à sa vie dans des courants impétueux. Pendant ce temps, détachant le cordage du littoral incurvé, le fils d’Éson était parti pour le pays des Colchidiens ; et le fils d’Amphitryon, en pleurs, affligé par le vain regret du jeune garçon, suit ce dernier peu après. Toi, instruit des amours agitées des héros que je viens de narrer, apprends à porter avec plaisir le joug d’une maîtresse cruelle ; et ne sois plus affligé de supporter jusqu’au bout une épreuve, quelle qu’elle soit. Tout amour est vaincu par de longues marques de soumission.
Cette traduction en prose relève de la propriété intellectuelle. Elle peut être utilisée, tant que le nom du traducteur apparaît clairement. © Jérémie Pinguet.